Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/359

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques-uns de ces « bons pots, » — c’est toujours, pour nous, la grande affaire. Manie puérile, avouons-le, car il faut, en Orient, beaucoup de bonne volonté, pour croire à cette fantasmagorie de l’exotisme, tel que nous le comprenons, — et pour résister à la douche réfrigérante que la vue immédiate de la réalité inflige aux enthousiasmes les plus robustes.


II

D’abord, les voyages sont aisés. Ils ne réclament aucun effort héroïque, et les prix sont relativement modestes. Plus de dangers à courir ! Plus de fatigues à surmonter ! Inutile de fréter un brick, comme Lamartine, et de s’exposer, pendant des semaines, aux tortures du mal de mer. Le déplacement n’est pas beaucoup plus long que pour une villégiature en Riviera. Une croisière de circumnavigation en Méditerranée, c’est tout bonnement un « tour de lac. »

Les affiches des gares et les réclames des journaux vous en avertissent. Par l’Orient-Express, Stamboul n’est qu’à trente-six heures de Paris. En quatre jours pleins, les Messageries maritimes vous débarquent sur les quais d’Alexandrie. Et, même, trois jours suffisent maintenant aux paquebots à turbine de l’Egyptian Mail Company. De Port-Saïd à Jaffa, ce n’est qu’une nuit à passer en mer, et, si l’on pousse jusqu’à Beyrouth, c’est vingt-quatre heures environ... Vous mettez pied à terre : des wagons, en général très confortables, vous attendent pour vous mener plus loin. Ceux qui vont de Louqsor à Assouan sont merveilleusement aménagés : petites tables, fauteuils d’osier mobiles, divans capitonnés de cuir, fort propices à la sieste, portières défendues par de triples châssis superposés et dont l’un est muni de verres bleus qui tamisent la lumière trop crue, — enfin, raffinement suprême, des glacières pratiquées sous le plancher, pour tenir au frais les provisions de bouche et les boissons ! Sur la ligne de Bagdad, c’est encore plus beau. Les voitures de première sont de véritables salons, où le velours rouge s’étale avec une profusion et un faste tout germaniques.

Et c’est ainsi que, dans l’express du Caire, on peut, tout en déjeunant, saluer, par la baie vitrée du wagon-restaurant, les premières voiles blanches des dahabiehs qui descendent le Nil. Damas elle-même, — Damas, la reine du Désert, — est tout