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hymnes païennes à la Muse, à Hélios se chantent les hymnes chrétiennes Veni Redemptor gentium, Æterne rerum conditor. Et en même temps que saint Ambroise et saint Augustin, en Syrie saint Ephrem, en Cappadoce saint Grégoire de Nazianze, à Poitiers saint Hilaire travaillent avec ardeur à cette vaste entreprise d’adoption et de transformation de l’art païen[1].

On l’a dit ailleurs : il y a deux courans opposés dans l’Antiphonaire, l’un venant de Grèce, l’autre de Judée ; et en vérité l’hymnodie d’origine hellénique, si simple, si carrée, semble parfois protester contre ces arabesques, ces enguirlandemens, tout cet art décoratif dont on peut constater la provenance en écoutant l’improvisation du chantre à la synagogue, les jours de mariage, improvisation qui n’est point libre, mais qui s’appuie sur trois ou quatre formules, tout comme nos Antiennes.

De la musique des cultes de l’Asie Mineure qui, vers la fin du IIe siècle, envahissaient l’Occident, nous ne savons rien ; l’influence de l’art hébraïque, nous l’ignorons absolument. Deux seuls documens : « Lorsque vous vous assemblez, quelqu’un a-t-il un cantique... » (Saint Paul aux Corinthiens.) « Que la parole du Christ habite en vous, vous instruisant, vous exhortant les uns les autres par des psaumes, par des hymnes, et des cantiques spirituels... » (Saint Paul aux Colossiens.) Et c’est tout. Bien entendu. Cantique n’a point ici le sens que nous attribuons à ces veules refrains de chansons 1830 (échos de café-concert pour la plupart) introduits on ne sait ni pourquoi ni comment dans nos églises françaises, antiliturgiques au premier chef. Dans la pensée de saint Paul, cantique signifie solo vocalisé à la façon de nos antiennes, de nos alléluia. De plus, ce qui se laisse deviner dans le texte de l’Apôtre, ce qu’à défaut de documens nous affirment toutes les traditions asiatiques, c’est la supériorité de la technique des chanteurs orientaux sur celle des Grecs, assez maladroits en gymnastique vocale, à en croire Aristote d’après ce que nous avons vu plus haut.

Serait-ce en souvenir du culte de David et de Salomon que l’Église latine a admis la Vocalise sémitique à côté du Syllabisme

  1. C’est dans la capitale et dans les campagnes que le paganisme résiste le plus longtemps. Les vieux aristocrates romains, restés le plus obstinément attachés au culte national, disparurent après le siège de 546, emmenés en captivité par Totila ; quant aux populations rurales, elles ne devinrent pas chrétiennes avant le VIIe siècle. (Gevaert.)