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de traduire les angoisses d’une mère dont le fils est en train de perdre la tête par suite de chagrins d’amour :


Au milieu de la nuit, je l’entends qui se lève,
Et puis, comme un voleur, il descend l’escalier…


Ainsi que le ferait dans la vie réelle une voix brisée par la douleur, étranglée, haletante, le dessin musical soulignait par un brusque mouvement ascendant la dernière syllabe d’appui de chacun des deux vers : lève, escalier. — « Quelle faute ! remarquait le critique, quand on descend un escalier, la mélodie doit descendre. » — « Pardon, cher monsieur, l’escalier n’a rien à faire ici, car c’est d’un état d’âme et non d’un fait que le musicien se préoccupe : le drame se joue-t-il dans les jambes du fils ou dans le cœur de la mère ? Que ce fils monte au grenier ou descende à la cave, l’intonation ne changera point, soyez-en sûr ! » A rapprocher de l’esthétique de ces observations, certaines remarques fort judicieuses sur le rôle des modes. Pourquoi la préférence de nos ancêtres pour le mineur ? serait-ce sous quelque secrète influence des tonalités gréco-liturgiques ? Quelques gouttes d’un vieux sang dorien ou éolien couleraient-elles encore dans leurs veines ? Presque exclusivement mineures les Passions saint Jean et saint Mathieu ; exclusivement mineures et dans le même ton, des Suites de six ou sept morceaux signés Bach et Haendel. Aujourd’hui, où le sentiment du majeur est partout prédominant, je ne crois pas qu’on ose tenter l’aventure, et j’avoue n’en connaître aucun exemple.

De même que pour l’accord du second degré cité plus haut, nous devons maintenant appeler l’attention des musiciens sur trois autres chapitres de l’ouvrage de Gevaert qui s’engagent sur un terrain encore inexploré : Modulations intratonales, Transitions extratonales, accords équisonans.

« 1° Il y a modulation intratonale lorsque la fonction de tonique passe momentanément à un autre degré de la gamme sans que la souveraineté de la tonique fondamentale cesse de se faire sentir. Ce qui distingue cette modulation des transitions impliquant le déplacement de la tonique souveraine, c’est que, en sortant des cadences tonales ou en y rentrant, elles ne nécessitent ni un accord médiateur ni aucune liaison harmonique apparente.