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fin de 1904, cette décroissance atteignit 1 012 445 hectolitres, chiffre très inférieur à la réalité ; or, chaque hectolitre prive le Trésor d’un franc 50, droit de circulation, et les compagnies de chemins de fer du prix de transport. En dehors de Paris, le département de la Seine consomme 3 hectolitres 17 par habitant, dans Paris 2 hectolitres 13 par tête et par an. Etonnez-vous après cela si le laboratoire municipal a déclaré bons 117 échantillons seulement sur 617 en juin 1905. De même pour l’alcool. Sa consommation en banlieue s’élève à 6 litres 79 par tête et par an, à 3 litres 84 dans Paris ; la différence, soit 2 litres 95, correspond à une fabrication clandestine. Par la fraude sur les vins et eaux-de-vie, dans Paris seulement, l’Etat et la Ville perdent plus de 30 millions de francs tous les ans. Ce sont encore des vins cassés, avariés, revivifiés par une addition d’acide sulfurique ; des extraits composés reproduisant le bouquet des différens vins de France, des vins manquant de couleur et de tenue pour lesquels on offre des colorans qui ne sont que des dérivés du goudron de houille. Les choses en vinrent au point que le Syndicat central des fabricans de produits œnologiques, qui, paraît-il, représente quinze millions d’affaires, s’émut et protesta. A Paris, sous le nom de vin de ménage, des boissons factices font une concurrence déloyale à la vente du vin naturel ; des épiciers, des débitans, vendent 15 centimes le litre ce qui leur revient à un centime. « Tous les crus sont dans la Seine, » disait à son fils un fabricant avisé. L’Etat, depuis plusieurs années, accepte pour les malades de ses hôpitaux des vins (façon Banyuls), qui ne sont qu’une drogue composée de sucre, de mixture et d’un peu de mistelles d’Espagne.

Une perquisition chez un négociant du Gard amène, en 1904, la découverte de tout un matériel de fabrication, acide sulfurique, matière noire azotée, factures de sucre, fermens vinaires, phosphates d’ammoniaque et de potasse, de fluorure d’ammonium, qui est un poison assez nocif pour s’attaquer au verre de la bouteille, etc., le tout attestant un emploi qui date de plusieurs années.

En Maine-et-Loire, un propriétaire reçoit en 1904, par différentes gares des environs, 36 000 kilogrammes de sucres déclarés comme engrais : saisie de vin de sucre, procès, condamnation devant le tribunal de Saumur ; appel, mort du délinquant en 1906 : voilà l’affaire enterrée. Sa veuve reprend la fabrication, fait venir 45 000 kilogrammes de sucre, point de procès-verbal