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Que nos bras fraternels vous tendent leurs pitiés.
Vous, au moins, vous n’avez pas de chaînes aux pieds.
Et vous ne savez pas de quelles douleurs sourdes
Par l’immobilité de nos racines lourdes
Nous expions l’honneur de dresser haut nos fronts
Et l’orgueil de braver tant d’hivers sans affronts.
En nous quittant ce soir, remporte en la mêlée
La hautaine vigueur d’une âme consolée.
Et si tu sens, plus tard, ce courage mollir,
Reviens-nous, cette fois, sans douter ni pâlir.
Tant qu’à l’assaut fatal des stupides cognées
Quelques branches de nous survivront épargnées.
Offrant l’ombre et la paix sous leurs derniers abris.
Nous répandrons sur ceux qui nous auront chéris,
Afin que, sans effroi, leur dur destin s’achève,
L’infini des espoirs dans l’infini du rêve ! »


REMBRANDT


Il ne vit qu’un pays, il ne connut qu’un livre,
Ceux qui gardaient la cendre et la foi des aïeux :
Sa petite Hollande, aux grands ciels anxieux,
Dont le soleil combat sous la brume et le givre.

Sa Bible de famille aux lourds fermoirs de cuivre
Où l’aveugle est guéri par l’Ange radieux.
C’est là, sans plus chercher, simple et laborieux.
Qu’il trouva les bonheurs d’aimer, penser et vivre.

Des pitiés de son cœur, des beautés de sa terre,
Son front mâle, éclairé dans l’ombre solitaire,
Faisait surgir en rêve un monde illimité,

Et, quand son pinceau d’or peignait la vérité.
On croyait voir frémir, sous la chaude lumière.
L’âme de la nature et de l’humanité.