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de la Réforme, et dans la pleine floraison de la Renaissance. C’est un de ces documens qui, dès qu’ils surgissent de terre, nous deviennent aussitôt familiers comme des révélations depuis longtemps attendues, — enrichissant à la fois et modifiant en partie notre connaissance de la période historique où ils se rattachent ; et personne désormais, ne pourra traiter de la civilisation ni des arts de la Renaissance en deçà des Alpes sans être forcé de consulter l’humble journal de route rédigé par Antonio de Beatis, entre le 9 mai 1517 et le 26 janvier de l’année suivante, durant les minutes de loisir que voulaient bien lui laisser ces nombreuses et diverses obligations professionnelles dont il vient de nous énumérer le détail, avec sa touchante simplicité coutumière, à la fin de la dédicace de son manuscrit.


Mais d’abord, avant de citer quelques-uns des passages les plus remarquables d’un livre qui, d’ailleurs, ne peut manquer de nous être bientôt traduit tout entier, il faut que je résume en deux mots ce que nous apprend l’excellente introduction de M. Louis Pastor sur les motifs véritables du voyage du cardinal d’Aragon. Ce prélat, petit-fils du roi de Naples Ferrante Ier, était alors âgé d’environ quarante ans. Créé cardinal par Alexandre VI, il avait été chargé, en 1499, d’accompagner en Espagne sa parente, la reine Jeanne de Naples ; et c’est à cette occasion que, déjà travaillé d’une fièvre de curiosité, il avait, suivant l’expression de Beatis, « visité presque toute la Bétique et l’extrême Hespérie. » Il était ensuite venu en France, mais sans qu’aucune trace se soit conservée des événemens de ce premier séjour. Sous les pontificats de Pie III et de Jules II, il avait demeuré à Rome, fort estimé de ces deux papes : et son crédit à la cour romaine s’était bien accru encore après l’élection de Léon X, à laquelle il avait pris une part très active. Tout à coup, cependant, et précisément aux alentours de l’année 1517, le bruit avait couru d’un refroidissement dans ses relations amicales avec son maître ; et M. Pastor a de bonnes raisons pour le soupçonner d’avoir, en effet, plus ou moins directement, trempé dans le complot formé alors contre Léon X par son collègue le cardinal Petrucci. À ce compte, son grand voyage en compagnie d’Antonio de Beatis aurait été, proprement, une sorte d’exil, « sous couleur d’aller présenter ses respects à Sa Majesté Catholique. » Mais comme nous le retrouvons, dès son retour, et jusqu’à sa mort en janvier 1519, plus en faveur que jamais auprès de Léon X, tout porte à croire que la nécessité même de cet exil momentané n’a été pour lui, au fond, qu’un prétexte, tandis que la cause principale de