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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Le gouvernement allemand vient de donner une nouvelle alerte à l’Europe, à propos des affaires marocaines. Personne ne s’y attendait. Depuis quelque temps, la diplomatie impériale semblait regarder comme naturelle et légitime la marche que les événemens avaient prise. A la vérité, ses manifestations étaient devenues rares ; mais si elle se taisait, l’Empereur parlait et on recueillait ses paroles avec satisfaction. A Metz et à Strasbourg, il avait prononcé des discours dont l’intention était évidemment pacifique, et dont les conséquences pouvaient être pacifiantes. Il avait dit en termes formels que rien en ce moment ne menaçait la paix de l’Europe et protesté contre les tracasseries inutiles. Tout était donc au calme et à la sérénité. Mais les discours de l’empereur Guillaume, qui sont le plus souvent des œuvres d’art parfaites, n’ont pas dans la politique générale l’importance effective qu’on serait tenté de leur attribuer, soit en bien, soit en mal. Ils ont tantôt effrayé et tantôt rassuré également à tort. Les Allemands, grands philosophes, ont séparé la raison pure, où ils aiment à se livrer à des spéculations infinies, de la raison pratique où ils restent terre à terre : la première n’a chez eux aucune influence sur la seconde. Il semble que l’Empereur ait séparé, pour son compte, l’éloquence de la politique. Nous devrions le savoir depuis assez longtemps déjà ; mais, avec nos habitudes de logique, ce n’est jamais sans quelque surprise que nous constatons le fait une fois de plus.

Deux actes simultanés ont donné à la politique allemande une allure imprévue : le départ de M, Vassel pour Fez et la démarche faite auprès des puissances pour provoquer la reconnaissance immédiate de Moulaï Hafid. La simultanéité même de ces deux actes, et la manière dont le premier s’est produit, ne laissent aucun doute sur le but