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il en serait ainsi, l’apaisement immédiat du Maroc, très désirable, n’est pas le seul intérêt qui soit en cause, et peut-être en est-il encore de plus précieux. — Tel est, à peu de chose près, le langage qui a été tenu partout. Les journaux autrichiens et italiens y ont mis plus de réserve dans la forme, mais non moins d’énergie dans le fond. Ils ont affecté d’éprouver de l’étonnement de l’initiative allemande, tandis que les journaux des autres pays ont exprimé un sentiment plus vif. L’Angleterre, qui a son franc parler, ne s’est nullement gênée pour dire son opinion, et la presse allemande a jugé qu’elle y avait apporté plus d’amertume que nos propres journaux. N’oublions pas la presse américaine : elle s’est montrée, comme toujours animée du bon sens robuste qui lui est propre et a jugé les choses avec cette équité supérieure que donne l’éloignement. Nous l’avons lue avec un grand plaisir. Il n’y a pas eu une voix discordante, ou du moins il n’y a eu de désaccord qu’entre les journaux allemands. Les pangermanistes ont montré une joie exubérante ; ils ont approuvé sans retenue l’attitude du gouvernement impérial et déclaré brutalement que, si la France en était mécontente, cela leur était bien égal ! Mais les autres ont montré plus de discrétion, même lorsqu’ils ont cru devoir suivre leur gouvernement, puisqu’il avait pris parti. A lire entre leurs lignes, on sentait bien qu’ils le suivaient sans grand enthousiasme : ils comprenaient que l’affaire était mauvaise et mal engagée.

Sur le fond des choses, telle a été l’opinion générale : sur l’attitude de notre gouvernement, l’approbation n’a pas été moins unanime. Si la démarche du gouvernement allemand n’était pas particulièrement dirigée contre nous, elle nous atteignait néanmoins plus que d’autres, soit à cause de notre situation spéciale au Maroc, soit parce que nous étions aux prises dans le Sud-Oranais avec des difficultés qui n’étaient pas encore résolues, et dont l’origine incontestable était dans l’anarchie marocaine. Le fait même que nous avions pendant quelque temps paru incliner du côté d’Abd-el-Aziz abandonné par l’Allemagne, pendant que celle-ci inclinait du côté de Moulaï Hafid, donnait un caractère peu obligeant à la précipitation avec laquelle on nous poussait à reconnaître ce dernier. On nous mettait vraiment l’épée dans les reins. Malgré cela, nous sommes restés très calmes, et notre gouvernement n’a pas perdu une minute son sang-froid. Il fallait répondre à la communication verbale qui nous avait été faite. Notre chargé d’affaires à Berlin a reçu pour instruction de dire au ministre allemand des Affaires étrangères, ou à son représentant,