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que des circonstances analogues ont créée au Maroc. La note franco-espagnole n’est pas encore connue, et nous ne sommes pas dans le secret de notre gouvernement ; mais il ne paraît pas possible que cette question ait été négligée au cours des pourparlers qui ont eu lieu entre Paris et Madrid. Nous demandons que notre droit soit reconnu : ce sera ensuite à nous de trouver, toujours en nous inspirant des précédens, les modalités les plus propres à en assurer pratiquement le respect.

Y a-t-il là, de notre part, des prétentions excessives ? Non, certes. L’accord un peu laborieux que nous avons établi avec l’Espagne nous en est d’ailleurs une garantie. Quant à l’Allemagne, si nous avons reproduit plus haut les impressions que sa première attitude a fait naître, nous devons la croire sincère lorsqu’elle assure qu’on s’est mépris sur ses intentions et qu’elle n’a jamais voulu se séparer des autres puissances. Mais elle a voulu s’en distinguer, et c’était déjà trop. Elle a voulu faire du zèle au profit de Moulaï Hafid, dans l’espoir que celui-ci ne l’oublierait pas et lui en saurait gré d’une manière durable ; elle a voulu donner une secousse à la diplomatie européenne de manière à hâter la reconnaissance du nouveau sultan, se réservant de faire valoir auprès de lui ce service. Son excuse est que, après avoir fait sa mise sur Moulaï Hafid au moment où le conflit s’est élevé entre les deux frères, elle a pensé avoir le droit, puisque son candidat avait gagné la partie, de réaliser un bénéfice personnel, et même de le grossir dans toute la mesure possible. Ce sentiment est humain, mais il est mesquin, et ce n’est pas par ces petits calculs qu’on mène une grande politique. On n’aboutit qu’à lui donner une apparence équivoque et louche, qui réveille les défiances au moment où elles commençaient à se dissiper. Les puissances ne demanderaient pas mieux de s’entendre une bonne fois avec l’Allemagne, et de trouver dans cet accord une nouvelle garantie pour la paix. Nous en serions particulièrement heureux, nous qui sommes les voisins de l’Allemagne, et qui avons un si grand intérêt à entretenir avec elle des rapports corrects et courtois. Mais comment faire ? Les autres gouvernemens ont une politique dont les données sont connues ; il est relativement facile d’en prévoir les applications probables au milieu des événemens qui se succèdent ; seule, ou peu s’en faut, l’Allemagne a une politique contradictoire, décousue, qui échappe à toute prévision, déconcerte, trouble, heurte, et ne saurait inspirer à personne confiance ni sécurité. C’est pour cela qu’on s’en éloigne. Il n’en a pas toujours été ainsi. L’Allemagne, autrefois,