Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/483

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

groupait les puissances autour d’elle, parce qu’on savait ce qu’elle voulait et où elle allait. On se groupe aujourd’hui en dehors d’elle, parce que c’est ailleurs qu’on aperçoit une volonté claire et une orientation définie.

Nous avons dit quelles semblaient être les conditions à mettre à la reconnaissance de Moulaï Hafid. Quelques journaux fiançais y en ajoutaient une de plus : ils auraient voulu que Moulaï Hafid usât de son autorité pour disperser la harka qui, partie du Tafilalet, menaçait le Sud-Oranais. Ce vœu marquait quelque simplicité. Sans doute l’état troublé du Maroc, et l’explosion de fanatisme qui s’y est produite, étaient pour quelque chose dans l’ébranlement dont nous ressentions le contre-coup sur nos frontières ; mais il n’est pas prouvé que Moulaï Hafid ait été l’auteur personnel et responsable de la menace dont nous étions l’objet ; et, s’il l’avait été, il aurait été bien en peine, après avoir déchaîné le mouvement, de l’arrêter subitement par une sorte de quos ego ! Lui demander cela aurait été lui demander l’impossible, et au surplus les choses ont tourné de telle sorte que nous aurions été désolés qu’il nous rendît ce prétendu service. C’est à nous qu’il appartient de protéger notre frontière, à nous seuls ; et nous n’avons jamais douté que nous fussions à même de le faire. L’événement a justifié notre confiance. La fameuse harka de 20 000 hommes qui s’était transportée dans le voisinage de notre poste de Bou Denib a été dispersée aussitôt qu’elle a été attaquée ; elle paraît avoir éprouvé des pertes énormes et avoir été mise dans l’impossibilité absolue de recommencer. Grâces en soient rendues à nos officiers et au nos soldats, dont les premiers ont pris les mesures les plus propres à atteindre le but, tandis que les seconds les ont vaillamment exécutées ! Il y a eu deux combats : l’un défensif, l’autre offensif, et c’est naturellement le dernier qui a été décisif. Lorsque le premier nous a été livré, le colonel Alix n’était pas encore arrivé avec la colonne de 5 000 hommes qu’il commande ; nous ne pouvions donc pas manœuvrer autour de Bou Denib et nous nous sommes contentés de repousser les assauts de l’ennemi. Dès qu’il a été à Bou Denib, le colonel Alix n’y a pas attendu les Marocains ; il a marché contre eux et l’affaire n’a pas été longue ; nos soldats ont été admirables de courage et d’entrain ; mais en réalité, nos canons ont tout fait, et le combat n’a guère été qu’un tir d’artillerie. Les Marocains, qui s’étaient avancés avec audace, ont été accueillis par une pluie de fer qui n’a pas tardé à les mettre en déroute : la harka a pris la fuite, abandonnant son camp et, ce qui indique un désarroi encore plus