Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/584

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfant. Les femmes doivent, je le sais, être polies et caressantes : mais il ne s’ensuit pas qu’elles doivent être flagorneuses et cajoleuses. Elles le sont d’ordinaire trop avec les hommes, et entre elles c’est encore pis, elles le sont avec fausseté. Mais les louanges d’une femme qui se respecte et qui ne les accorde qu’avec justice et modération sont la récompense la plus flatteuse du mérite d’un honnête homme.

Il me semble, chère cousine, qu’en dirigeant vos instructions à peu près dans cet esprit, vous l’armerez puissamment, sans paraître y tâcher, contre les petites séductions des cajoleurs. Ces leçons auront assurément dans votre bouche toute la force possible, et l’acquis qui en résultera vaudra mieux un jour à la petite que la géographie et le blason, et même que la botanique, prise comme on l’entend communément. Mais ici, notre marche est si différente de l’ordinaire, qu’elle doit naturellement nous conduire à un autre but.

A propos de botanique, voici les noms des plantes que vous m’avez envoyées. J’admire votre patience et la propreté de votre ouvrage : mais cependant, donnez-vous moins de peine à l’avenir. Contentez-vous de dessécher ce que vous m’envoyez, de façon que les parties essentielles soient reconnaissantes, mais ne collez que ce que vous gardez pour votre herbier. Vous aurez dans peu une lettre sur la botanique. Me voici au bout de mon papier. Je ne vous fais pas mon compliment de condoléance sur votre veuvage, car, vu le retard de ma réponse, je le crois fini dès à présent, et que vous pourrez faire de bouche mes salutations à votre cher mari. J’embrasse toute la charmante famille. Mes félicitations à M. Gaujet. Je fais des vœux bien sincères pour son bonheur.

Vous avez bien raison de croire que ma femme aimerait et caresserait de tout son cœur votre petit nourrisson. Nous aimons si tendrement votre famille en imaginant ce qu’elle doit être et par cela seul qu’elle vous appartient, qu’il serait difficile que ce sentiment augmentât de près en la trouvant en effet si aimable.


A Madame de Lessert, née Boy de la Tour, à Lyon.


A Paris, le 15 décembre 1773.

Depuis quelque temps, chère cousine, notre correspondance languit un peu ; ma confiance en vous et en moi m’empêche de