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surlendemain, on la transportait à Sceaux, où elle ne cessa de faire des scènes à son mari, surtout lorsqu’il lui balbutiait, en tremblant, le conseil de s’avouer vaincue. Par une réaction habituelle aux natures bouillantes, elle se crispait contre sa chute. Déjà, elle ne songeait plus qu’à exécuter l’imprudente parole qui lui était un jour échappée à Sceaux : « Mettre tout le royaume en feu, plutôt que de perdre ses prérogatives. »


III

Mme du Maine était farcie de la lecture des romans et des pièces de théâtre : aussi, est-ce avec une légèreté de comédienne qu’elle abordait son rôle de conspiratrice. Elle agissait comme si elle eût encore été sur les planches de Sceaux. Comment le gouvernement espagnol pouvait-il la prendre au sérieux ? Il n’était pas lui-même exempt d’imprudences ni de maladresses. Alberoni voulait avoir les noms des principaux initiés à la conjuration, et on les confiait en clair à un courrier ! Entrevoyant, avec plus de jugement que ne lui en reconnaissait sa femme, le gouffre entr’ouvert devant lui, le duc du Maine cherchait maintenant à la retenir. Même il eut enfin, malgré son ordinaire faiblesse, le courage d’exiger d’elle la promesse de ne voir aucune des personnes en soupçon de cabaler. Il lui défendit d’accepter un rendez-vous que lui offrait le marquis de Pompadour, un de ses plus chauds partisans. Pompadour fut très surpris de recevoir ce billet de la main de Mme du Maine : « Votre mémoire est pernicieux, je vous supplie de ne pas l’envoyer. » Faut-il voir dans cette prière un simple acte d’obéissance conjugale, qui eût été si peu dans les allures de la conspiratrice, ou l’effet tardif d’un premier pressentiment, qu’elle jouait sur une mauvaise carte son repos et sa liberté ?… Déjà elle était bien engagée pour reculer, quand tout commençait à craquer. Elle s’agitait trop, pour n’avoir pas à redouter les indiscrétions ou les fausses confidences. La dissimulation est aussi parfois malavisée. Quand la reine de Sceaux, si ouverte avec des aventuriers de rencontre, cachait une partie de ses desseins à Mlle de Launay, cette méfiance s’adressait mal. La brave fille prouva plus tard, dans ses interrogatoires à la Bastille, combien elle était digne de la plus entière confiance.

Cependant Alberoni pressait Cellamare d’aboutir. Fort