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république des lettres. Pour avoir méconnu l’adage éternellement vrai de La Fontaine :


Ne forçons point notre talent :
Nous ne ferions rien avec grâce,


elle abaissa plutôt qu’elle ne rehaussa sa maison, après avoir tant ambitionné ce relèvement du rang. Son prestige de princesse y perdit par l’humiliation de la défaite, et combien elle eut à faire ensuite, pour reprendre son ancien règne de reine de Sceaux ! Il est indéniable que sa demeure fut l’officine de toutes les correspondances, de tous les mémoires relatifs à la conspiration. Il est démontré, par la saisie des pièces et par les aveux des conjurés, que l’original de la fameuse lettre du roi d’Espagne à Louis XV[1]fut écrite sur le bureau même de la Duchesse. Une note de Dubois, conservée aux archives des Affaires étrangères, s’en explique nettement. On y lit ces mots caractéristiques : « Il y a plusieurs ratures et différentes corrections de la main d’une personne beaucoup plus élevée par sa naissance et par sa dignité. En sorte que la lettre du roi d’Espagne n’est effectivement et mot pour mot que la copie de celle qui avoit esté composée à Paris : d’où l’on peut présumer avec vraisemblance que ce n’est pas l’ouvrage de la main de ce prince, et non point l’expression et les sentimens de son cœur… Il en est de même de toutes les autres pièces, lettres, mémoires et projets, qui ont esté saisis en différens lieux, et qu’on devoit distribuer dans le royaume pour exciter une sédition générale. La plupart des originaux en ont esté composés à Paris ; les copies sont venues d’Espagne.. ; La conjuration étant découverte, les moyens qu’on vouloit employer pour la faire réussir ne peuvent plus imposer à personne… On n’aperçoit désormais que l’horreur d’un projet infâme et les effets sanglans de la guerre civile, qu’on vouloit ajouter aux dangers que la France a courus et aux maux qu’elle vient de souffrir pour l’intérêt de l’Espagne. »

Ce n’était pas le bien de la chose publique qui avait servi

  1. « Lettre autographe de Philippe V à Louis XV, l’Escurial, 16 mars 1718. «… On veut que V. M. s’unisse à mon plus mortel ennemi (l’Empereur) et me fasse la guerre, si je ne consens à livrer la Sicile à l’archiduc. … Je ne souscrirai jamais à ces conditions : elles me sont insupportables. … Je me renferme à prier instamment V. M. de convoquer incessamment les États Généraux du royaume, pour délibérer sur une affaire de si grande conséquence. (Arch. Aff. étrang.)