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large part vous pouvez contribuer à rendre ces rapports plus amicaux et à les adoucir ; mais songez à ce que vous pouvez faire aussi pour les gâter et les transformer en inimitié. » Ce sont là d’excellentes paroles, et M. de Schœn, au congrès des journalistes, en avait déjà prononcé qui ne l’étaient pas moins. Nous en prenons la part qui nous revient. Il y a peu de journalistes qui n’aient quelques regrets sur la conscience ; la polémique a aussi sa chaleur communicative. Mais peut-être les journalistes français pourraient-ils s’appliquer le mot du cardinal Maury qui disait : « Je suis sévère pour moi quand je me juge, et plus indulgent quand je me compare. »

Quoi qu’il en soit, l’atmosphère politique, qui était lourde il y a quelques jours et qui semblait chargée d’électricité, s’est sensiblement allégée. L’esprit qui souffle est aujourd’hui à la conciliation : puisse-t-il souffler longtemps du même côté !


Nous formons le même souhait en ce qui concerne l’Orient : rien sans doute n’y menace actuellement la paix, mais la situation y est assez confuse ; elle demande à être surveillée avec soin. La révolution faite par les Jeunes-Turcs n’a rencontré partout que de la sympathie : c’est du moins le seul sentiment qui ait été exprimé à son égard, et nous voulons croire qu’il a été partout très sincère : cependant cette révolution a dérangé bien des projets, compromis bien des ambitions, inquiété bien des espérances, et il est difficile de croire que, comme dans une nuit du 4 août d’un nouveau genre, chacun ait fait généreusement sur l’autel de la patrie ottomane le sacrifice définitif de ce qu’il a considéré jusqu’ici comme son intérêt, ou même comme son droit. Le plus probable est que beaucoup se réservent pour voir comment les choses tourneront. Si elles tournent bien, on se résignera à accepter ou à subir les faits accomplis : mais si elles tournent mal, ou médiocrement, les vieux sentimens mal étouffés, les vieilles espérances péniblement ajournées reprendront leur essor, et nul alors ne peut dire ce qui arrivera. On a admiré la manière facile et douce dont la révolution s’est opérée ; l’enthousiasme général a tout emporté ; il n’y a pas eu la moindre résistance, ni par conséquent la moindre violence ; c’est à peine si quelques gouttes de sang ont coulé. Un pareil phénomène est sans doute nouveau dans l’histoire, et il a produit la plus favorable impression ; mais il est plus difficile de bien continuer qu’il ne l’a été de bien commencer, et le miracle de demain sera encore plus extraordi-