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tous les autres un des plus sûrs moyens de conservation. Il prétend qu’il n’appartient à aucune puissance d’en secourir une autre contre ses sujets rebelles, soit qu’elle s’y croie autorisée par le besoin de pourvoir à sa propre sûreté, soit même qu’elle en ait contracté l’engagement formel par des traités précédons. » « Le comte Molé m’a déclaré, » ajoute l’ambassadeur, « que cette doctrine était inséparable de la stabilité du trône de Philippe Ier. » Il est évident que l’ambassadeur impérial devait exprimer au ministre des Affaires étrangères de Fiance sa profonde indignation. « Je lui démontrai vivement, écrit-il, l’absurdité et l’extravagance intolérable des principes qu’il me manifestait et j’ajoutai que je lui connaissais trop de lumières, de bon sens et de modération pour croire un instant qu’ils fussent les siens. »

Les déclarations du nouveau gouvernement français devaient faire une impression pénible à Saint-Pétersbourg. Toutefois, on était en présence de faits accomplis, et le pouvoir autocrate de l’empereur Nicolas était impuissant à chasser du trône Louis-Philippe et à y élever Charles X. Il faut rendre cette justice au comte Nesselrode qu’il a fait preuve de courage et d’énergie pour la défense du simple bon sens contre les idées enracinées de légitimité et de réaction dont son souverain était pénétré jusqu’à la moelle des os. Il persuada l’Empereur de la nécessité de maintenir l’ambassade de Russie à Paris, de ne pas rappeler de France les sujets russes qui y résidaient et de ne pas interdire l’accès de la Russie aux Français. Le comte Pozzo di Borgo reçut donc à la fin pleine satisfaction : loin d’être blâmé pour n’avoir pas exécuté les premières instructions d’août, sa conduite fut honorée d’une auguste approbation, car « les événemens en France se sont succédé avec une telle rapidité que les déterminations d’un jour n’étaient souvent plus applicables aux circonstances du lendemain. »

Ce premier succès de Pozzo di Borgo devait en amener d’autres qu’on désavouait. Les relations telles qu’elles existaient entre l’ambassadeur de Russie et le gouvernement français ne pouvaient pas durer indéfiniment. La reconnaissance officielle s’imposait, ainsi que l’expédition de nouvelles lettres de créance. L’empereur Nicolas ne voulait l’admettre en aucune manière. Le comte Nesselrode eut bien de la peine à convaincre son souverain de la nécessité de reconnaître Louis-Philippe comme