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en Europe fondé sur les traités internationaux. Lorsque Casimir Perier prit de sa main puissante la direction des affaires en France et déclara que son gouvernement aspirait précisément à maintenir les traités, le gouvernement russe répondit aussitôt que « l’inviolabilité des traités était la base de toute sa politique. » Lorsque Louis-Philippe affirmait que tous ses efforts tendaient au maintien de la paix, Pozzo recevait l’ordre d’attirer son attention sur le fait que l’accroissement continu de l’armée française ne s’accordait guère avec de telles déclarations. Lorsque le cabinet impérial élevait des plaintes au sujet des menées poursuivies contre la Russie par les représentans de la France à Constantinople et à Londres, Casimir Perier rappelait de son poste le premier et imposait au second plus de retenue. Mais ces preuves de bon vouloir étaient jugées insuffisantes par l’empereur Nicolas.

L’insurrection polonaise donnait lieu à des explications et à des conflits incessans. Bien que le cabinet des Tuileries n’ignorât pas les vues de l’empereur Nicolas au sujet de cette révolte, l’ambassadeur de France fut chargé de proposer les bons offices de son gouvernement en vue de la pacification. Mortemart essuya un refus catégorique. Cela se passait en juillet 1831. En août, à l’ouverture de la session du Parlement français, Louis-Philippe prononça un discours dans lequel il exprimait ses sympathies aux héros-insurgés de la Pologne. Ce discours produisit à Saint-Pétersbourg l’impression la plus pénible. L’Empereur dit à l’ambassadeur de France « que le roi Louis-Philippe n’étant plus le maître chez lui, le langage de ce prince ne saurait ni le blesser, ni l’atteindre. » L’Empereur ne parvenait plus à contenir son irritation. S’étant rendu, en juillet 1831, au marché aux foins (place Sennaia) pour ramener à l’ordre une populace qui s’était révoltée à l’occasion d’une épidémie du choléra, il adressa aux rebelles les paroles suivantes : « Votre conduite est pire que celle des Français et des Polonais. » Dans une lettre respirant l’indignation, l’ambassadeur de France demanda au comte Nesselrode des explications au sujet de ces paroles blessantes. Le comte Nesselrode lui répondit de Peterhof, le lendemain même, que le discours de l’Empereur ne lui avait pas été exactement rapporté. En s’adressant à la foule, le souverain avait dit : « Voulez-vous donc imiter ce qui se passe en France et en Pologne ? » Comme personne ne pouvait contester