Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/864

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mme Moreau ne vint pas ce jour-là. Mais elle écrivit au juge Thuriot que son mari serait défendu devant le tribunal par le citoyen Bonnet, avocat. Le général approuva ce choix.

« Ma chère amie, j’ai été rappelé ce matin au tribunal. M. Thuriot m’a montré ta lettre et j’ai acquiescé à la nomination : il m’a dit que je te verrai, soit qu’il ait eu connaissance des démarches que tu as faites, ou qu’il ne veuille empêcher ce que la loi permet. Ainsi, je présume que, du jour où on notifiera les actes d’accusation, il me sera permis de te voir et j’attends ce bonheur avec impatience ; . Je m’interromps…

« Nous voilà au mercredi, ma chère amie, et rien n’annonce encore que la promesse de M. Thuriot à ton égard se réalise. Je voudrais bien également que nous ayons bien promptement nos actes d’accusation et que nous puissions communiquer avec nos défenseurs ; mais il semble qu’on veut nous accorder le moins de temps possible pour notre défense. Cependant le volume de papiers qu’on doit nous donner est immense, puisqu’il est à peu près l’équivalent d’une rame.

« J’ai le pressentiment de te voir aujourd’hui, sinon de près, au moins de loin. On m’a dit que tu étais hier chez le concierge qui n’y était pas : j’en suis fâché, car il m’aurait dit t’avoir vue et que tu te portais bien. Adieu, ma chère amie. J’espère que je pourrai encore te dire un petit mot avant de fermer ma lettre. Je présume qu’on a pu te faire passer un petit billet de David que je te prie de faire remettre : il est relatif au défenseur qu’il a choisi et qu’il veut faire prier de se charger de sa cause. »

Nous ne croyons pas nous tromper en affirmant qu’à travers la correspondance qu’on vient de lire, éclate l’entière innocence de l’honnête homme et du glorieux soldat dont une police inventive et asservie avait inscrit le nom sur une liste de brigands et qu’un magistrat instructeur non moins servile et non moins soucieux de plaire à Bonaparte allait impliquer dans un procès criminel où il était inique de le faire figurer.


III

Lorsque, au commencement de Prairial, alors que le Premier Consul Bonaparte vient d’être proclamé Empereur, s’ouvre devant un auditoire composé de diplomates, de généraux, de hauts fonctionnaires le procès intenté à Georges et à ses