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leur cuisine à la buvette, avec les produits de la Bellevilloise, mis gratuitement à leur disposition.

La boulangerie-pâtisserie est installée au fond de la cour, près des magasins d’épicerie. Les Parisiens ne se doutent guère que s’ils peuvent encore manger du pain frais le dimanche, c’est peut-être à la Bellevilloise qu’ils le doivent. Quand les boulangers, se refusant à appliquer le repos hebdomadaire « par roulement, » livrèrent le dimanche du pain rassis à leur clientèle, la Bellevilloise continua à vendre du pain frais ; et comme elle vend au public, le public afflua dans ses magasins. On m’a même cité le cas d’habitans du XVIe arrondissement, qui envoyèrent leurs domestiques au magasin de la rue Boyer ; et l’un des motifs qui amenèrent la capitulation des boulangers aurait été la crainte de voir se multiplier les boulangeries coopératives.

Les quatre boucheries, situées dans divers quartiers de Belleville, sont propres et bien parées. Mais la succursale de la rue de Ménilmontant est une nouveauté d’ « art coopératif. » C’est, derrière une fort jolie façade, une longue et haute galerie recouverte d’une toiture vitrée. En la parcourant, on traverse successivement, en enfilade, décorés avec goût, séparés par des cloisons de chêne, les rayons de boulangerie, de charcuterie, de chapellerie, de tapisserie, de chaussures et de vêtemens. Entre cinq et six heures, on avance avec peine, dans la foule affairée des ménagères ; on ne trouve un calme relatif qu’au bout de la galerie, au rayon des étoffes, plutôt fréquenté au commencement de la semaine ou du mois.

Un autre étonnement m’attendait à la pharmacie de la rue des Cascades : une pharmacie conforme au modèle classique, bocaux bien rangés, garnis de formules latines, balances de précision, grands vases remplis de liqueurs azurées, le tout embaumé de cette odeur sui generis qui impose à la multitude un respect mêlé de crainte. Un cabinet de consultations gratuites, où se tiennent, à certaines heures, des docteurs ou doctoresses, est attenant à l’officine.

Ces apparences sont brillantes ; et l’examen de la situation financière n’apporte aucune désillusion. A la Bellevilloise, on n’achète ou on ne construit un immeuble que lorsqu’on a les ressources disponibles ; et il est remarquable qu’on ait pu acquérir, à beaux deniers comptans, une propriété sociale de 520 000 francs ; car les actions, qui sont de 100 francs, sont loin