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source d’information bien plus précieuse encore dans l’œuvre même du maître, qui, en majeure partie, a pour nous l’avantage d’être datée : sans compter que la comparaison avec ces dates authentiques nous permet de déterminer, approximativement, à quelle période doivent avoir appartenu d’autres tableaux ou dessins d’une authenticité non moins évidente. Et comme les données biographiques de Van Mander, pour peu nombreuses qu’elles soient, ont de grandes chances d’être vraies et sûres, — le biographe hollandais ayant connu personnellement les fils de Breughel, — nous n’avons qu’à confronter ces données avec les dates des ouvrages du peintre pour parvenir à une compréhension infiniment instructive de la série des faits qui, par degrés, ont amené l’héritier immédiat de Jérôme Bosch, le fournisseur attitré de « diableries » et caricatures, à créer l’art, tout naturel et intime, non seulement des Téniers et des Brouwer, mais aussi des Metsu, des Vermeer, et des Van Ostade.

Confrontation qui, du reste, nous est rendue maintenant la plus facile et agréable du monde, grâce aux recherches érudites de M. René Van Bastelaer, l’éminent conservateur des estampes à la Bibliothèque royale de Bruxelles ; et il convient avant tout que je signale ici, à tous les amateurs de l’ancienne peinture flamande, le gros livre récent, véritable monument de goût et de science, où M. Van Bastelaer nous offre une reproduction, merveilleusement fidèle, de l’œuvre presque complète de Breughel le Vieux, en y joignant l’analyse approfondie de tous les documens biographiques qu’il a pu recueillir au sujet de la personne du maître, des événemens de sa vie, et du progrès de son style. C’est à cette mine sans pareille qu’a puisé M. Charles Bernard, pour nous présenter ensuite, à sa façon, une image plus libre du génie de Breughel ; et, semblablement, c’est à l’aide du texte et des illustrations de l’ouvrage magnifique de M. Van Bastelaer que je vais essayer de résumer, en quelques mots, ce que me paraissent avoir été la carrière et la tâche artistique du plus parfait « réaliste » de l’école flamande.


« La nature, — lisons-nous dans Van Mander, — a fait un choix singulièrement heureux le jour où elle est allée prendre, parmi les paysans d’un obscur village brabançon, l’humoristique Pierre Breughel pour en faire le peintre des campagnards. » Le village se nomme Bruegel, aux environs de Bois-le-Duc, sur le territoire du Brabant hollandais ; et l’origine paysanne du peintre nous est encore confirmée par la manière dont, à défaut d’un nom de famille, il a ajouté à son