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Le raccommodement avec Monsieur n’empêchait pas la Cour de France d’être peuplée de méchans et de pervers qui en rendaient le séjour intolérable à une honnête Allemande. Qu’attendait Madame pour la fuir ? La raugrave « Amelisse » hasarda une question qui fut mal reçue : « (15 juillet 1701.) Je n’ai jamais pensé, répliqua Madame assez sèchement, à me mettre dans un couvent. La vie de couvent n’est pas du tout mon affaire. » Elle avait mieux à sa disposition, s’il lui convenait de quitter Versailles. Son contrat de mariage lui assurait, en cas de veuvage, « le château de Montargis, garni de meubles comme il convenait à sa qualité, pour son habitation et demeure sa vie durant[1]. » Une résidence seigneuriale à quinze lieues de Fontainebleau, un pays de grands bois et de gros gibier, une liberté parfaite, une primauté incontestée, le plaisir de faire centre, comme la Grande Mademoiselle au temps de son exil à Saint-Fargeau, et enfin, couronnant le tout, la joie de pouvoir restreindre ses dépenses et être au large : c’était fait pour Liselotte, et il lui fut désormais impossible de récriminer contre la Cour de France sans qu’on lui répondît d’Allemagne d’aller à Montargis.

Elle avait toujours quelque raison à alléguer pour n’en rien faire. En 1704, le 21 avril, elle écrit à sa tante : « Je ne possède plus d’autre maison que mon douaire, le vieux château de Montargis ; mais il est à trois ou quatre journées de voyage d’ici. Si j’allais y habiter, ou me laisserait dans mon coin ; je mènerais une vie de dame de campagne fort ennuyeuse, sans considération ni rien. Ça ne me va pas, et j’aime mieux continuer à traîner ici, quoique je ne sois pas au nombre des élus et admise au saint des saints. » Elle appelait « saint des saints » le cabinet de Louis XIV, où ce prince, depuis sa conversion, finissait vertueusement ses soirées en famille. Madame ignorait qu’elle en était bannie à la prière de la Duchesse de Bourgogne et des autres jeunes princesses, qu’elle terrifiait par son acharnement à leur dire publiquement leurs vérités, et elle s’en prenait à Mme de Maintenon. C’était même l’un de ses gros griefs contre cette dernière, car rien ne lui avait été aussi sensible, pas même l’exclusion des chasses royales.

On s’étonnait aussi en Allemagne d’apprendre que Liselotte

  1. A. N. K., 552.