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seulement. Les événemens qui suivirent retardèrent l’effet des mesures prises, car, vingt ans après la mort du vainqueur de Rosbach, Napoléon passa l’hiver de 1806-1807 dans ces régions où se heurte le flux et le reflux des deux puissantes races. Sous le pas des chevaux de l’armée française, les espérances se levèrent du sol de la Pologne morcelée. Frédéric-Guillaume III comprit, pendant le Congrès de Vienne, qu’une politique nouvelle était nécessaire pour contrarier l’effort des trois tronçons qui tendaient à se rejoindre. Le 15 mai 1815, il adressa un appel aux habitans du grand-duché de Posen[1] : « Vous êtes, disait-il, incorporés à ma monarchie sans que vous ayez besoin de renier votre nationalité. Vous jouirez des avantages de la constitution que je me propose d’octroyer à mes fidèles sujets, et vous recevrez comme les autres provinces de mon royaume une constitution provinciale. Votre religion sera respectée et ses ministres recevront une dotation conforme à leur état. Vos droits personnels et vos propriétés seront placés sous la protection des lois, à la délibération desquelles vous prendrez part dans l’avenir. Votre langue doit être en usage dans toutes les réunions publiques, à l’égal de la langue allemande. Les fonctions publiques du grand-duché sont accessibles à chacun d’entre vous dans la mesure de ses capacités… » Des temps viendront où les Polonais ne demanderont pas plus, et où les Prussiens tiendront moins que ces promesses royales.

Au cours du XIXe siècle, la politique de la Prusse dans les Marches de l’Est fut incertaine, tantôt conciliante, tantôt rude, jamais persévérante dans une même voie. Chaque règne commence par une politique de concessions et finit par une politique de répression, comme si les Polonais étaient condamnés à expier périodiquement des faveurs imprudentes ou mal reconnues. La question polonaise semble soumise à ce mouvement de pendule que battent toutes les questions insolubles.

Le prince Radziwill fut nommé gouverneur de Posen en 1815. Ce nom était un gage de loyauté et ce choix un signe de bonnes intentions. La révolution de 1830 fit perdre aux Polonais du grand-duché le bénéfice des méthodes douces. Les Polonais du « royaume » s’étant soulevés contre la domination russe, l’union des esprits se refit par-dessus une frontière

  1. Gesetzsammlung fur die Kœnigl. preussisch. Staaten, 1815, p. 47.