Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contre Rome : l’instituteur allemand devait se dresser contre ces deux puissances. La loi du 11 mars 1872 enleva l’inspection de l’école au clergé et la confia à des fonctionnaires nommés par le gouvernement. L’ordonnance du 27 octobre 1873 prescrivit l’emploi exclusif de l’allemand à l’école, exception faite pour l’enseignement religieux, qui pouvait être donné en allemand aux élèves assez avancés pour le comprendre. Cette disposition, interprétée par les autorités locales, a provoqué récemment les incidens retentissans que l’on connaît. L’article 12 de la loi d’association, promulguée le 19 avril 1908, forme le dernier chaînon des entraves mises à la langue polonaise. Désormais, dans l’Empire, les débats des réunions publiques doivent avoir lieu en langue allemande, sauf en période électorale. Dans les régions où le chiffre de la population parlant une langue non allemande est supérieure 60 pour 100 de la population totale, cette prescription ne sera applicable que dans vingt ans. Sur 4 200 000 sujets allemands parlant une langue maternelle étrangère, trois millions de Polonais tombent immédiatement sous le coup de cette loi. Votée au lendemain de la loi d’expropriation, elle les a naturellement exaspérés. Mazarin disait des Français : « Qu’ils chantent, pourvu qu’ils paient. » Le gouvernement prussien n’a pas cru devoir laisser aux Polonais le temps ni la liberté d’exprimer publiquement des sentimens dont leur âme pleine se serait allégée en parlant.

La « guerre scolaire, » entreprise par Bismarck, a mobilisé la masse profonde des paysans, jusque-là courbés sur leurs intérêts matériels, pour défendre un principe spirituel qui brave les lois. Les écoliers apprennent par force à parler l’allemand dont ils tirent avantage dans la lutte pour la vie quotidienne ; mais ils continuent à penser et à sentir dans la langue maternelle, la seule dans laquelle on compte, on jure, on aime, on prie. Le Kulturkampf eut, du « côté polonais, » beaucoup d’autres conséquences que nous n’avons pas à mentionner ici. Lorsque la paix fut faite avec Rome, Bismarck attacha une grande importance à séparer aussi nettement que possible les alliés de la veille : il ne voulait pas laisser s’établir l’idée que la lutte contre les Polonais prenait fin en même temps que la lutte contre les catholiques. Outre que l’heure était propice pour jouer de leurs agitations auprès du gouvernement russe, il avait d’autres raisons. Son génie sentait l’utilité pour l’Allemagne d’avoir des