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évitez-vous de pénétrer à l’intérieur des cours et des logis scolaires, vous bornez-vous à contempler du dehors le détail architectural des murs ou les revêtemens de faïences peintes, des clins d’yeux malveillans, des rires sarcastiques ne tardent pas à vous mettre en fuite. Si vous faites mine de braquer un kodak, c’est une explosion de colères et d’injures mal contenues par la peur de démêlés avec la police.

Ces colères et ces haines latentes finissent bien, de temps à autre, par éclater. Les chrétiens d’Orient en savent quelque chose. Les massacres d’Arménie sont encore tout récens, et, lorsque j’étais à Beyrouth, on parlait, comme d’une éventualité toujours prochaine, de nouvelles attaques des musulmans contre les catholiques. Encore une fois, des raisons économiques ou politiques expliquent en partie ces soulèvemens. Mais la haine religieuse en est le facteur essentiel. C’est elle qui exaspère jusqu’à la folie du meurtre les ressentimens peut-être légitimes de la population mahométane. Cette haine couve et travaille sans cesse. Si l’on était tenté de l’oublier, il suffirait de longer les murailles de nos couvens : ils sont défendus comme des places fortes, aménagés de façon à servir de refuge dès la première alerte. Tel orphelinat du Liban a sauvé ainsi de l’extermination des centaines de montagnards traqués par les Druses. Mais ces clôtures en pierres de taille seraient elles-mêmes bien fragiles, si la menace de nos flottes ne les rendait, au moins théoriquement, inviolables.

Qu’on allègue après cela les politesses diplomatiques dont le Sultan veut bien user à l’égard de certaines congrégations ; que l’on cherche dans le Coran ou dans les textes théologiques de l’Islam le désaveu du fanatisme, cela ne prouve pas grand’chose. Des sentimens individuels n’influencent que médiocrement ceux de la masse. Et personne n’ignore que, de notre Evangile aussi, il est possible d’extraire des maximes qui, tour à tour, prescriront la charité universelle, ou fourniront une arme aux persécuteurs.

La vérité vraie, c’est qu’en Orient une foule de confessions ennemies ou concurrentes vivent côte à côte, sans trop de heurts ni de froissemens, non point en vertu d’une tolérance réciproque, mais par la crainte de complications pires que le statu quo. L’équilibre qui les maintient en paix est éminemment instable. Bien loin de diminuer les haines ou d’affaiblir les