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supprime pas complètement. La discussion générale du budget était autrefois la mieux remplie de toutes ; les principaux orateurs s’y donnaient rendez-vous ; c’était, chaque année, la pièce maîtresse de l’œuvre parlementaire, et rien n’était mieux entendu, puisque le vote des recettes et des dépenses est la véritable raison d’être du Parlement. Depuis quelque temps, tout cela est changé. L’année dernière, on a mis la discussion générale à la fin du budget au lieu de la mettre au commencement, et cette année il n’y en a pas eu du tout. Et pourtant si jamais budget a mérité d’être regardé de près, ou plutôt, si jamais situation financière a mérité d’être étudiée dans son ensemble, c’est le budget, c’est la situation actuels. Mais nos députés ont, paraît-il, des affaires plus importantes pour eux que celles du pays.

La Chambre, toutefois, a renversé un ministre, celui de la Marine : elle pourrait paraphraser un mot célèbre et dire : — Je renverse les ministres, donc je suis. — Mais provoquer des crises ministérielles n’est qu’une partie de sa tâche, et on voit d’ailleurs qu’elle s’en acquitte petitement. Le ministre renversé est M. Thomson : il l’a été à la suite d’une interpellation sur les accidens, trop nombreux en vérité ! qui se sont produits depuis quelques mois sur nos navires, et plus particulièrement à propos du désastre de l’Iéna. Ce dernier fait est déjà ancien, et on peut se demander si M. Thomson est ici le seul coupable, ou même s’il est le plus grand. L’opinion ne l’a pas cru, si on en juge par la lecture des journaux. On a rappelé qu’il y avait eu avant M. Thomson d’autres ministres qui avaient désorganisé l’administration de la marine et introduit dans ses services un désordre auquel il fallait longtemps pour remédier. Le nom de M. Camille Pelletan a été souvent prononcé, et les amis de M. Thomson ont volontiers laissé entendre que c’était de lui que venait tout le mal, sans se rappeler assez que M. Thomson avait été autrefois le principal défenseur de M. Pelletan : on aurait presque pu croire qu’il avait été nommé au ministère de la Marine pour y continuer les erremens de son devancier. Cependant il ne l’a pas fait et, au début surtout, il a donné quelques preuves d’énergie : il s’est efforcé de réprimer, ou du moins d’atténuer l’indiscipline qui est devenue le fléau de nos arsenaux. Mais il n’y a que très insuffisamment réussi, le mal a été le plus fort ; il dure encore, il durera sans doute longtemps ; il faudrait un autre gouvernement que celui-ci pour en venir à bout. A la fin de la discussion, et lorsque déjà M. le ministre de la Marine était atteint en pleine poitrine par l’ordre du jour de la Chambre, M. Clemenceau, lâchant délibérément son collègue, s’est