Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec la religion chrétienne : voilà le bon jésuitisme. L’intention est louable ; mais, il faut l’avouer, le péril est immense, et ce n’est rien de moins que la dissolution du christianisme par infiltration de la sagesse humaine dans son essence sacrée. Pascal a vu cet effet funeste et presque inévitable des leçons de Molina ; effrayé, il s’est jeté dans l’extrême contraire avec violence. Saint François de Sales, — moins grand, plus accessible à la moyenne de l’humanité, — n’a pas eu besoin de défier la nature. Il a su maintenir la morale avec la religion, sans sacrifier le libre arbitre, sans prêter à la grâce ce rôle exorbitant qui semblerait devoir briser dans l’âme le ressort de toute activité si, au contraire, en fait, la doctrine luthérienne, calviniste ; janséniste, augustinienne du « serf arbitre » ne s’était pas toujours montrée instigatrice de vertu, par une conséquence paradoxale dont Brunetière étonné cherchait en vain la liaison logique[1].


II

L’histoire des travaux scientifiques de Pascal, de ses inventions propres, tant dans la mathématique abstraite que dans l’ordre pratique, et de ses relations avec les grands savans contemporains, — particulièrement l’examen du grave procès qu’on vient de lui refaire encore à propos de sa part usurpée ou réelle dans la découverte de la loi physique d’où le baromètre est sorti, — devaient peut-être occuper une place considérable dans un livre qui est une enquête complète sur Pascal et qui révèle chez son auteur une rare compétence en des matières respectueusement tenues à l’écart par tous les purs lettrés. Mais ne voulant traiter ici que du sentiment religieux, la science n’appartient à ma propre étude que par ce qui intéresse la religion.

Quand on parle du sentiment que les hommes du XVIIe siècle apportaient dans l’étude de la science ou plutôt des sciences, il convient de faire tout d’abord une distinction générale et

  1. « Comment se fait-il que, quand les théoriciens d’une religion ont voulu garder sa dignité au libre arbitre, ils ont abouti à la morale la plus relâchée ? Pourquoi la morale la plus sévère a-t-elle été proposée par ceux qui enlevaient le plus ou libre arbitre ? À cette question je n’ai vu nulle part de réponse satisfaisante. » Note prise par un élève de l’École normale au cours de Brunetière.