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la politesse contrainte de la forme, — quand un savant lui contestait la priorité des découvertes dont il réclamait l’honneur. Toujours tranchant dans ses discours, même après sa conversion, si dès lors ce ne fut plus du haut de son importance personnelle qu’il accablait ses contradicteurs, c’était du haut de ses convictions et de la vérité ; mais « il les accablait, » et c’est Vinet qui le dit.

Il n’est point nécessaire que « la mondanité » de Pascal ait jamais été un libertinage des mœurs. Il paraît plus probable, d’après ce que nous savons du milieu où il a vécu, qu’on le vit maintenir sans défaillance grave la dignité extérieure de la conduite. Mais, quelle que fût l’espèce de ses péchés, l’heure arriva où il aurait pu dire avec Musset :


Au fond des vains plaisirs que j’appelle à mon aide
Je trouve un tel dégoût que je me sens mourir.


Et alors, sachant par raison où se trouvait la source de la vie, son cœur, d’un élan passionné, y remonta, la saisit enfin et ne la perdit plus. « Certitude, certitude. Dieu de Jésus-Christ. Paix, joie. Pleurs de joie. » Il faut bien admettre, dans une certaine mesure, la réalité du scepticisme de Pascal en matière de foi, puisque, jusqu’à un certain point aussi, on est obligé de l’admettre en matière de science, et puisqu’un homme qui ne douterait de rien ne serait pas intelligent. Mais s’il est demeuré inquiet et anxieux, c’était, — comme Fa bien vu et dit M. Brunschvieg, — moins de sa foi que de son salut, à cause des doctrines effroyables de la prédestination et de la grâce. Plus janséniste que chrétien dans la première période de son développement spirituel, on est forcé de reconnaître, avec M. Souriau, qu’il resta toute sa vie trop janséniste encore. Cependant le progrès de sa pensée tendait à s’affranchir de plus en plus du point de vue étroit et farouche de sa secte.

« Il se retournait fiévreux dans son lit, il ne cherchait pas un lit : » juste image de Sully Prudhomme, qui est une variante heureuse de celle de Sainte-Beuve : « Le doute fut en lui comme un lion en cage. » Les deux figures peignent vivement l’une et l’autre des angoisses de l’âme qui n’étaient pas le scepticisme philosophique et religieux proprement dit, et qui correspondaient aux tortures volontaires d’un corps souffrant et dompté, contre