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volumes ; à la fin du troisième, il ne faisait encore que commencer : « il fallait que le libraire vînt à composition et donnât toujours quelque chose de plus, de peur de laisser l’ouvrage imparfait. » Faramond forme en effet sept volumes et fut dépassé par Cassandre, du même auteur, " qui en eut dix et par Cléopâtre qui en eut vingt-trois.

Ces romans interminables, avec lettres, pièces justificatives et documens à l’appui, où foisonnent les Lysimène, les Arpalice et les Amarante, avaient des lecteurs, même parmi les gens de goût, — Mme de Sévigné les appréciait fort ; — mais ils n’en avaient pas assez parmi le peuple pour justifier un grand tirage et susciter des profits. La Serre prétendait « qu’il achetait une main de papier 3 sols et la revendait 100 écus » (1 200 francs) ; il se vante ; les libraires du Pont-Neuf donnaient 12 francs d’une chanson, quand elle était bonne, et les livres à proportion se payaient moins.


… Je ne puis souffrir ces auteurs renommés


dit Boileau, qui


Mettent leur Apollon aux gages d’un libraire
Et font d’un art divin un métier mercenaire ;


les auteurs pouvaient d’autant plus aisément suivre ce conseil que les libraires ne les eussent pas enrichis ; eux-mêmes ne gagnant pas grand’chose avec le faible débit des ouvrages au XVIIe siècle.

« Nos succès dépassent toute espérance, écrivait à Boileau son éditeur, à l’apparition du Lutrin, et je crois bien que nous pourrons en vendre jusqu’à 1 200 exemplaires. » Boileau, qui laissa 286 000 francs de capital, qui, dans sa maison d’Auteuil, était servi par un valet de chambre, un cocher, une servante et un petit laquais, sans parler de son jardinier Antoine, était un vieux garçon devenu fort à son aise, nous dit Louis Racine, par « les bienfaits du Roi habilement ménagés. » D’un rare scrupule d’ailleurs, en fait d’argent, puisqu’il donna aux pauvres tout le revenu de son bénéfice ecclésiastique.

La Fontaine, lui, n’avait eu aucune part aux bienfaits du Roi ; aussi répondait-il au confesseur qui, dans sa dernière maladie, l’exhortait à des aumônes et à des prières : « Pour des aumônes, je n’en puis faire, je n’ai rien ; mais on fait une