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procuré pourtant, c’est son fils qui parle, « que de quoi vivre, payer ses dettes, acheter quelques meubles dont le plus considérable était sa bibliothèque (estimée 5 200 francs) et ménager une somme » de 21 000 francs.

Louis Racine aurait pu ajouter que, dès 1665, son père était couché sur l’état des pensions pour 2 000 francs ; il voisinait avec l’abbé Cottin qui en recevait 4 000 ; ce que les bureaux devaient trouver tout naturel, si l’on en croit l’histoire de Boileau allant émarger au Trésor ; le commis, lisant sur l’ordonnance cette mention : « À cause de la satisfaction que ses ouvrages nous ont donnée, » lui demande de quelle espèce sont ses « ouvrages. » — « De maçonnerie, lui répond Boileau, je suis architecte. »

La pension du « sieur Racine, bien versé dans la poésie française, » fut portée à 2 600 francs après Andromaque, à 4 000 francs après les Plaideurs, « en considération de son application aux belles-lettres et des pièces de théâtre qu’il donne au public (1668). » Elle s’élevait, lors de son mariage, à 7 000 francs auxquels Racine joignait les émolumens d’un office de « trésorier de France » à Moulins, sinécure dont Colbert l’avait gratifié et qui valait 7 800 francs de rentes. Sa femme lui ayant apporté un revenu pareil au sien, le poète se trouvait à trente-huit ans dans une aisance que ses charges de famille, — il eut sept enfans, — ne diminuèrent pas à proportion des nouvelles recettes advenues au ménage.

Nommé historiographe de France aux appointemens de 14 000 francs, il fut alloué de plus à Racine, pour accompagner le Roi dans ses campagnes, des sommes dont le total en six ans monte à 145 000 francs. La plus importante de ces indemnités survint l’année même où Phèdre débutait par une chute, grâce à la cabale des amis de Pradon qui louaient toutes les loges aux représentations de Racine…, pour les laisser vides.

Il est piquant d’entendre l’auteur, que la postérité pense absorbé par cette blessure d’amour-propre, dire à sa femme en revenant de Versailles : « Félicitez-moi, voici une bourse de 1 000 louis que le Roi m’a donnée. » Mme Racine, indifférente, ne répond que par des plaintes contre un de ses enfans qui depuis deux jours refusait d’étudier. — « Une autre fois, reprend son mari, nous en parlerons, livrons-nous aujourd’hui à notre joie. » Mais l’épouse continuait, représentant qu’il fallait tout de