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manière du Vent et du Soleil, dans la fable, vis-à-vis du voyageur à qui ils veulent faire enlever son manteau : le Vent « politique » souffle en tempête et le voyageur s’enveloppe tant qu’il peut dans les plis de l’étoffe qu’il serre bien fort contre lui ; le Soleil « économique » à son tour darde tranquillement ses rayons sur le voyageur qui, tôt en nage, se dépouille volontiers d’un vêtement incommode.

Le progrès matériel a rapproché le livre du lecteur ; il a comblé le fossé qui les séparait : d’abord par l’invention des nouveaux papiers et des nouvelles machines à imprimer et à composer ; ensuite, car le bon marché de l’objet n’eût pas suffi, par la hausse générale des salaires qui a permis aux particuliers les plus modestes de faire à cette dépense nouvelle une petite place dans un budget élargi.

Le gain de l’écriture, les honoraires des gens de lettres, ont-ils grandi en proportion de la dépense de lecture faite par la nation ? Quels d’entre eux en ont profité, dans quelle mesure et pour quelles raisons ? C’est ce que j’étudierai dans un prochain article. Dès maintenant on se figure sans peine que les genres les plus lucratifs étant ceux qui s’adressent à la foule, ne peuvent être aussi les plus relevés ; parce que le nombre des gens qui pensent ayant augmenté infiniment moins que le nombre des gens qui lisent, il a fallu faire, pour les besoins énormes de ces derniers, une quantité d’écritures que l’on puisse lire sans penser.


Vte G. D’AVENEL.