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Il n’y a guère de pages dans l’œuvre de M. van Dyke où ne vibre cette sensibilité, et qui ne révèle le don de recevoir, comme il l’a dit lui-même dans un joli vers, « une joie intérieure de toutes les choses entendues et regardées. »

La seconde faculté est le pouvoir d’éveil. Ce pouvoir est l’âme de tout art et de toute poésie. Mais s’il appartient plus spécialement à la musique qu’aux autres arts parce que c’est le moins explicite, il appartient aussi davantage à la poésie rythmée qu’à la prose. Celle-ci a tous les pouvoirs de description et d’évocation qu’on peut souhaiter ; il lui est possible de transporter l’esprit dans le paysage le plus minutieusement fouillé, dans les profondeurs les plus subtiles d’un cœur, et d’éveiller toute une atmosphère physique et morale. Je crois cependant que la poésie possède un secret de plus : la magie d’évoquer non un paysage défini, mais l’impression demeurée en nous des paysages dont, nous avons reçu l’empreinte la plus profonde ; de ceux, parfois très simples, où le mystérieux accord de l’heure, des lignes, de la lumière et de notre disposition intérieure nous avait parlé un langage inoubliable. Ces impressions mêlées à nous-mêmes, la poésie les éveille, de même que lorsqu’elle exprime une douleur ou une joie, ce n’est pas celle des autres que nous imaginons, mais notre douleur ou notre joie à nous-mêmes, sous la forme particulière qu’elles revêtent en chacun de nous. Le domaine de la poésie est moins l’apparence des choses que leur vie. Et la poésie idéale qui exprimera aussi pleinement que possible cette vie aura plus qu’une autre le pouvoir de faire appel à nos sources intimes. Sans doute une telle poésie est rare ; il suffit cependant de se souvenir par exemple de quelque admirable page de poésie hébraïque, du livre de la Sagesse ou des Psaumes de David, pour comprendre qu’elle existe. Dans chaque langue, elle exerce son pouvoir en son intensité absolue dans quelques centaines de vers, et dans quelques-unes de ces lignes eurythmiques qui tendent à leur être semblables, et qui, comme eux, laissent dans l’imagination des traînées de lumière.

Dans la mesure relative de sa valeur, la poésie de M. Henry van Dyke est très suggestive. Soit par le ton général, soit par le sens des mots, ses vers expriment beaucoup plus de choses qu’ils n’en disent. Il cherche avant tout à produire dans l’âme une atmosphère favorable à l’activité du rêve, en établissant, quand