Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/389

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est ; Et tous les rêves qui hantent, de leur vague délice, les heures troubles entre le jour et la nuit, entre la nuit et le matin ; Tous, emprisonnés, ils t’attendent ; impatiens, ils crient vers toi, ô Reine qui pourras délivrer ces captifs en leur donnant ta voix !

Pour qu’elle s’enfuie, tu prêtes des ailes à la douleur ; et tu prêtes des ailes à la joie pour qu’elle atteigne des sommets purs ; et le désir muet qui emplit ta poitrine comme d’une tempête, tu l’emportes pour qu’il s’évade dans un chant ou dans un sanglot.


La musique sera la voix de l’amour, de celui qui « humain dans la douleur, est presque divin dans la joie ; » elle se pliera à la passion de chacun des cœurs qui l’écoutent et deviendra leur propre langage. Et voici que cette voix vibre le long de la symphonie qui se déroule, à travers l’Andante, à travers l’Adagio jusqu’à l’Allegro où elle s’épand sur cette mer brillante et vaste. « Dans leurs chants rythmés, éclatans, qui se mêlent, chaque instrument épand librement sa force. Les harpes sonnent comme des carillons d’épousailles, et les trompettes s’emplissent de souffles, autour de la barque d’amour, qui, telle qu’une galère royale, aux rames nombreuses, aborde sous le ciel plein de sourires, au rivage heureux de l’harmonie absolue. »

Aucun poème mieux que Music ne peut aider à comprendre la nature du talent de Henry van Dyke, et comme l’atmosphère de sa poésie. Il y a en effet, dans ce poème, une vue tout intérieure de la musique, une compréhension absolument subjective et sentimentale de cet art dont le côté purement sensible ou, si l’on peut dire, plastique, n’est même pas mentionné ; et on reprochera peut-être à M. van Dyke d’entendre la musique plus en poète qu’en musicien, mais là est justement une manifestation de plus d’une nature qui a pris une direction constante : M. van Dyke sent dans la musique, d’une part, son intime et intense fusion avec notre être le plus secret, son pouvoir de pénétrer jusqu’aux régions de nous-mêmes qu’aucun regard n’atteint ; et d’autre part, la place qu’elle occupe, à côté de la lumière, parmi les choses divines dont Dieu a formé la beauté du monde. Et c’est ce sentiment profond des choses, excluant toute sensation seulement superficielle, que j’ai voulu indiquer en disant au début de cette étude que, dans son œuvre, il y avait toujours une âme présente.

Si des sujets larges nous descendons à ceux qui pourraient exiger seulement de la virtuosité, nous trouvons crue ses pages