Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une personne sûre, qui serait dans le cas de se rendre en Amérique, ou bien qui y passerait exclusivement pour l’objet en question, et à laquelle vous puissiez communiquer verbalement les détails de ce que vous avez à dire au général. Il se peut que la présente vous trouve encore à Londres ou à Lisbonne, et dans ce cas, vous êtes autorisé à vous concerter avec le comte de Woronzoff[1]ou bien avec M. de Wassilieff[2]sur le choix de la personne dont je viens de vous parler, lequel devrait se faire toutefois avec le plus de réserve et de prudence possible. Mais, si vous ne parveniez pas à en trouver une, alors il serait bien que vous vous appliquiez à apprendre si le général Moreau n’a point laissé en Espagne ou ailleurs quelque homme de confiance chargé de la direction de ses affaires particulières.

« Si cela est, comme on doit le présumer, vous vous aboucherez avec lui, et s’il était à Cadix ou dans telle autre ville d’Espagne ou du Portugal, vous y enverrez M. de Hongberg ou celui que vous aurez choisi, sous quelque prétexte plausible, pour lui communiquer une plus ou moins grande partie des propositions dont il s’agit, d’après le degré de confiance que ce personnage vous inspirera, afin qu’il les fasse passer au général. Il s’entend que, dans chacun de ces cas, vous devrez redoubler de soins et de circonspection pour ne vous compromettre d’aucune manière.

« Au reste, on ne se dissimule pas ici que la commission dont il s’agit est infiniment scabreuse et qu’il faudra un concours de circonstances très favorables pour que vous puissiez vous en acquitter avec succès. C’est pourquoi je trouve nécessaire de vous prévenir que ce ne sera qu’autant que vous en trouverez les moyens indiqués dans la présente dépêche que vous devez agir, sans vous faire une obligation absolue de combattre des difficultés qui seraient insurmontables. »

La difficulté des communications avec l’Amérique, la surveillance toujours active dont on avait lieu de supposer que, même sur la terre d’exil, Moreau était l’objet de la part du gouvernement français et, enfin, l’absence de toute personne assez liée avec lui pour lui faire part des offres russes, sans l’effaroucher et sans qu’il en transpirât rien au dehors, rendaient presque inexécutable la mission confiée à Strogonoff. Ni de

  1. Ambassadeur de Russie en Angleterre.
  2. Ministre de Russie en Portugal.