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Lisbonne, ni de Madrid où il arriva bientôt après, il ne put établir une communication sûre avec Moreau et il dut en faire l’aveu à Czartorisky. Mais celui-ci n’avait pas attendu sa réponse pour imprimer, par une autre voie, à la négociation qu’il poursuivait, une activité plus grande.

Vers le milieu de septembre, il faisait choix, avec l’autorisation du Tsar, d’un jeune diplomate, le chambellan comte de Pahlen[1], que des circonstances antérieures avaient mis en relations avec le général et le chargeait d’aller le trouver en Amérique afin de s’entretenir avec lui. Les instructions données à l’envoyé, le 23 septembre, et les précautions prises pour envelopper de mystère sa mission, attestent l’importance du prix qu’attachait Alexandre au succès de ces démarches.

Dans la lettre secrète qui accompagne les pièces qui lui sont nécessaires, on lui fait d’abord remarquer que le nom du général Moreau n’y est pas prononcé, « afin qu’en cas d’accident, ni vous ni lui ne puissiez être compromis. C’est par la même raison, qu’après vous être pénétré du contenu de la présente lettre, vous me la renverrez. » On veut, en un mot, que Pahlen ne soit porteur d’aucun papier propre à faire connaître l’objet de son voyage en vue duquel on lui trace des directions précises.

Il devra d’abord, en qualité de simple voyageur, se rendre à Londres où on a recommandé à l’ambassadeur russe, le comte Woronzoff, de le seconder en tout ; il s’assurera si le général a quitté le continent et, dans ce cas, il profitera de la première occasion favorable pour se rendre en Amérique et toujours « à titre de voyageur. » Là, il renouera connaissance avec le général Moreau ; il tâchera de l’amener à s’expliquer sur la manière dont il envisage ce qui se passe en Europe et à savoir s’il est dans ses desseins d’y prendre part.

« Si vous vous aperceviez qu’il n’attend qu’une occasion favorable de se venger des persécutions qu’il a essuyées et en même temps de rendre à son pays la liberté dont il est privé, alors, vous lui communiqueriez les notions contenues dans la note que je vous adresse aujourd’hui ; vous lui montreriez combien le but que notre auguste maître s’est proposé est grand et, en même temps, favorable à la nation française ; vous lui représenteriez qu’il serait beau pour un homme comme lui, qui a

  1. Fils du général comte de Palhen qui fut le principal organisateur du complot dans lequel l’empereur Paul Ier perdit la vie.