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Bordeaux. Sa fille Isabelle, alors âgée de huit ans, l’accompagnait. Sur son séjour dans cette ville, les renseignemens sont rares, confus et contradictoires[1]. Ceux que nous avons pu réunir autorisent à croire que ni la police à Paris, ni les autorités de la Gironde ne s’attendaient à la voir arriver et que, sur la demande quelle fit à celles-ci d’être autorisée à se rendre dans une station thermale des Pyrénées, elles lui permirent de rester à Bordeaux jusqu’à ce que le gouvernement, à qui la requête avait été transmise, y eût répondu. Elle y resta provisoirement et vit beaucoup de monde. Le nom qu’elle portait, ses malheurs, sa bonne grâce, son élégance, la gentillesse de sa fille, tout contribuait à la rendre digne d’intérêt. Son frère, le colonel Hulot[2], était venu la retrouver, lui servait de chaperon et dans les sympathies dont elle recueillait les témoignages, elle puisait l’espoir que sa demande serait agréée.

La réponse qu’y fit le ministre de la Police, Savary, duc de Rovigo, détruisit cet espoir. Après avoir pris les ordres de

  1. Ceux que donnent les documens conservés aux Archives nationales sont à peu près nuls. Quant aux Archives de la Gironde, elles ne possèdent pas de pièce relative à Mme Moreau, ce qui permet de supposer que le dossier qui les contenait a été enlevé à une autre époque.
  2. Le colonel Hulot était alors un des plus jeunes officiers supérieurs de l’armée. Né comme sa sœur, à l’Ile de France, en 1783 et entré au service en 1799, il avait, dès l’année suivante, conquis l’épaulette et se trouvait, ayant à peine dix-huit ans, aide de camp de Moreau, devenu depuis peu son beau-frère.
    Dès ce moment, on le voit s’efforcer de justifier, par sa bravoure, cette extraordinaire faveur. Il est partout où l’on se bat et toujours s’y distingue assez pour que sa réputation le défende de la disgrâce à laquelle semblait devoir l’exposer sa parenté avec Moreau. Colonel en 1810, il demande sa mise à la retraite en 1813 ; il allègue qu’il a onze compagnes et six blessures ; l’une d’elles, reçue à Essling, a entraîné l’amputation du bras droit, l’autre la perte d’un œil. Mais sa jeunesse, — il atteint à peine sa trentième année, — fait douter de la réalité de son impuissance à servir, et il reçoit l’ordre de partir pour l’Espagne comme chef d’état-major de la 2e division d’infanterie de l’armée d’Aragon. Il résiste et finalement il est mis à la retraite (7 janvier 1814).
    On doit croire qu’en réalité, s’il avait quitté le service, c’était pour tirer avantage de la protection qu’accordait alors le tsar Alexandre à la veuve et aux alliés du général Moreau. Il partit alors pour la Russie ou il reçut un emploi de son grade. Il y resta jusqu’au 23 août et en revint comme maréchal de camp. Mais, lorsqu’il voulut être réintégré dans l’armée française, il se heurta contre l’ordonnance qui en excluait les officiers mutilés. Il dut cependant à sen âge, aux démarches de sa belle-sœur et à la protection de la duchesse d’Angoulême d’être l’objet d’une mesure exceptionnelle. Il fut replacé et nommé chef d’état-major de Macdonald à l’armée de la Loire, puis, en août 1816, définitivement remis en inactivité, en même temps qu’il était autorisé, étant né comte, à joindre à son nom celui de d’Ozery et enfin, en 1823, nommé lieutenant-général honoraire. Le général comte Hulot d’Ozery mourut en 1852. Sous l’Empire, il y en a eu deux autres du même nom que lui. L’un d’eux est inscrit sur l’Arc de triomphe de l’Étoile.