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victimes de Clemenceau, par Keüfer « le vieux bonze positiviste qui dirige pour notre malheur la Fédération du Livre. » Luquet, qui remplace Griffuelhes au bureau confédéral, reproche à Renard de prêcher la prudence. « On veut rendre le Comité responsable des massacres ; il fut entraîné malgré lui. C’est le gouvernement de la bourgeoisie qui en porte le poids. » Pas de prudence ! quel langage dans la bouche d’un chef responsable ! Signalons toutefois un progrès sur le Congrès d’Amiens, où les grèves avaient été recommandées à titre de « gymnastique révolutionnaire, » comme autant de manœuvres préparatoires à la Grande Journée, au Grand Soir.

Le rapport du Comité confédéral fut approuvé à l’énorme majorité de 947 voix contre 109, premier triomphe pour les révolutionnaires. Ces chiffres toutefois ne reflétaient pas exactement les rapports de force entre la gauche et la droite, à cause du mode de votation, l’objet de la seconde question posée au Congrès. Les syndicats, dont se composent les Fédérations et les Bourses, sont considérés, d’après les statuts de la C. G. T., comme autant d’unités indépendantes, sans qu’il soit tenu compte du nombre de leurs cotisans : un syndicat de quelques membres pèse autant qu’un autre syndicat qui en comprend des milliers, en vertu de ce principe que les forts ne doivent pas écraser les faibles, et, aussi, parce que l’importance des syndicats, dans une grève générale, ne dépend pas du nombre de leurs adhérens, mais de leur profession, plus ou moins susceptible de désorganiser les services publics. Il en résulte que les syndicats ne représentent pas numériquement l’opinion des syndiqués. Aussi les réformistes réclament-ils la représentation proportionnelle qui leur assurerait, pensent-ils, la direction de la C. G. T. Ils proposaient de soumettre la question pur voie de referendum à tous les syndiqués. A la majorité d’un tiers, le Congrès décidait de s’en tenir au statu quo.

La représentation proportionnelle apporterait-elle d’ailleurs, à l’heure présente, un changement dans le personnel dirigeant de la C. G. T. ? Il est permis d’en douter. La plupart des fédérations réformistes comptent des minorités assez fortes : le même système proportionnel devrait être appliqué à l’intérieur de chaque syndicat. Les tendances modérées et exaltées se balanceraient à peu près, dans l’ensemble, en inclinant toutefois en faveur de ces dernières.