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M. Camélinat, ancien directeur de la Monnaie sous la Commune, financier du parti, et de M. Delory, qui menace de rendre les clefs d’un coffre-fort à moitié vide. A l’exception de l’Humanité, les journaux végètent.

A la veille du Congrès de Toulouse, la situation dans le parti unifié était aussi confuse que celle de la Confédération avant celui de Marseille. De même que les Confédérés étaient sous le coup de leur récente défaite de Villeneuve-Saint-Georges, de leur grève générale avortée, le parti socialiste portait les cicatrices des élections municipales. La plupart des grandes villes, des cités industrielles, avaient été reconquises de haute lutte par leurs adversaires. L’antipatriotisme tapageur des syndicalistes et des hervéistes était pour une part dans cette débâcle.

Tout unifié de nom que fût le parti, les sectes étaient loin d’avoir désarmé. Les tendances contradictoires se heurtèrent au Congrès de Toulouse, qui avait inscrit à son ordre du jour : l’Action générale du parti. A son extrême droite, le Congrès ne comptait qu’un seul partisan de l’entente étroite avec les radicaux, M. Breton, député du Cher. M. Breton ne peut se consoler de la mort du Bloc : chaque jour il apporte sur sa tombe une couronne funéraire, chaque jour il prie avec ferveur pour sa résurrection. M. Breton n’a pas d’objection à l’action directe, si elle doit se borner à exercer une pression sur des Chambres récalcitrantes. Mais une grève générale exige le concours de tous les prolétaires : qu’est-ce qu’une grève sans grévistes ? Qu’on aille jusqu’à l’insurrection si l’on veut, mais à la condition qu’on mette entre les mains des ouvriers d’autres armes que des revolvers de 3 fr. 50 contre les canons de 75 millimètres. — Un autre député socialiste, M. Varenne, n’éprouve certes pas la nostalgie du Bloc, il en a fait son deuil. La discipline républicaine lui suffit, elle implique l’action parallèle avec les radicaux de gauche, sans qu’il soit besoin de marcher en inséparables la main dans la main.

Les guesdistes au contraire estiment que les députés socialistes doivent se tenir isolés de tous les partis bourgeois, indistinctement. Leur attitude intransigeante au Palais-Bourbon doit rappeler celle des Irlandais à la Chambre des communes : ils attendront patiemment qu’ils aient obtenu la majorité. Quant aux ouvriers, ce qui leur importe par-dessus tout, c’est la production industrielle intense, et par conséquent l’ordre.