Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/480

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Coïncidence curieuse, le plan établi par moi suivait à peu près les mêmes lignes que celui dont lord Roberts assura l’exécution. » Nous craignons que les Anglais ne soient pas très touchés, et qu’ils ne soient encore moins flattés de la confidence que Guillaume II veut bien leur faire. L’orgueil militaire a des susceptibilités d’ailleurs fort légitimes. Oui sait si l’Angleterre n’étonnera pas l’Empereur par son ingratitude ? Au surplus, cela ne nous regarde pas : mais il n’en est pas de même de ce qui suit.

« Lorsque la guerre battait son plein, dit l’Empereur, le gouvernement allemand fut invité par les gouvernemens de France et de Russie à intervenir auprès de l’Angleterre pour la sommer de mettre (in aux hostilités. Le moment était venu, d’après ces gouvernemens, non seulement de sauver les républiques boers, mais encore d’humilier l’Angleterre, de la coucher dans la poussière. Quelle fut ma réponse ? Je répondis que, loin de participer à une action européenne destinée à précipiter la chute de l’Angleterre, l’Allemagne se tiendrait toujours à l’écart des entreprises qui pourraient la brouiller avec une aussi grande puissance maritime. La postérité connaîtra un jour les termes exacts du télégramme, maintenant conservé aux archives du château de Windsor, dans lequel je portais à la connaissance du souverain de l’Angleterre la réponse que j’avais faite aux puissances qui méditaient la ruine britannique. » Que de choses la postérité n’aura-t-elle pas à découvrir dans les archives du château de Windsor ! L’empereur Guillaume paraît les avoir singulièrement enrichies ! Heureusement, ce ne sont pas les seules sources où l’histoire aura à puiser. On remarquera, soit dit en passant, le ton mélodramatique dont se sert l’Empereur pour raconter cet incident diplomatique. Sommer l’Angleterre de mettre fin aux hostilités, l’humilier, la coucher dans la poussière, ce sont là des expressions bien fortes ! Correspondent-elles vraiment aux sentimens qu’ont eus à son égard, à un moment quelconque, la France et la Russie ? Nous ne le croyons pas de la part de la Russie et, en ce qui concerne la France, nous sommes sûrs du contraire.

On sait à peu près aujourd’hui comment les choses se sont passées. Pourquoi n’en parlerions-nous pas à notre tour ? Il n’est pas douteux que l’opinion, en France, était sympathique aux Boers. Elle ne s’exprimait pas avec autant de violence que l’opinion allemande, mais elle ne se taisait pas non plus, et l’écho a pu quelquefois en être désagréable à l’Angleterre. Il n’y avait là cependant aucune hostilité contre elle. Nous étions seulement émus dans notre générosité