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utile là, et qu’au total il me plaît assez ; non, il ne me plaît ni ne me déplaît, mais j’ai de l’amitié pour lui comme pour tout ce que vous aimez, pourvu toutefois que ce que vous aimez ne fasse pas battre des ailes à ce coquin de papillon que je voudrais voir redevenir chenille. Les cloches sonnent pour aller à l’église ; adieu ; j’y penserai à vous, j’y prierai pour vous, mon cher bon ange.


Claude Fauriel à Mary Clarke.


Paris, samedi 13 juillet 1822.

Enfin ! une lettre de vous, chère amie ! et une lettre passablement longue, car assez longue, cela ne se pourrait, quand vous ne feriez autre chose qu’écrire. Oh ! qu’elle a été bien méritée, cette douce lettre, s’il suffit, pour cela, de l’avoir désirée et d’avoir souffert de ne pas la recevoir ! J’allais la chercher tous les deux ou trois jours au Marais ; et à la fin je n’osais presque plus y aller, tant je tremblais de ne pas la trouver. Avant-hier, sortant pour faire ma solitaire promenade du soir, j’ai rencontré Amédée[1], dans la rue, qui m’a accompagné et m’a appris qu’il venait de recevoir une lettre de vous, et qui a cru me faire bien plaisir en me donnant de vos nouvelles et auquel il a bien fallu montrer une joie polie d’en recevoir. La vérité est que je boudais et me dépitais, au fond de mon cœur ; s’il n’eût pas été trop tard ou si j’eusse été seul, j’aurais couru dans ce Marais lointain voir si je n’avais pas aussi ma lettre. Bien me prit de ne pas y être allé, j’en serais à coup sûr revenu bien triste et peut-être en colère, car je n’aurais pas trouvé de lettre et je me serais tourmenté à comprendre comment il se faisait que quelqu’un au monde pût m’apprendre de vos nouvelles. Je n’ai donc pu aller qu’hier tenter encore ma fortune ; et j’ai vu enfin votre écriture ! Mais elle ne venait que d’arriver ; je ne l’aurais pas trouvée la veille, et j’aurais passé la nuit agité par une mauvaise inquiétude au lieu de ne l’être que par d’agréables espérances.

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Je suis triste et obsédé de ce que vous me dites de ce pauvre Auguste[2], non par aucun sentiment personnel, ni par aucune

  1. Certainement Amédée Thierry.
  2. Auguste Vignier, fils adoptif de M. Sirey, ami de la famille Clarke. Il était fort épris de Mary, qui n’avait pour lui qu’une affection toute fraternelle. Il était poitrinaire, et mourut en 1825 (communication de M. de Mohl).