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l’ère des marins. Est-ce un bien ou un mal ? En général, les amiraux sont peu préparés à la vie politique. Au Parlement, ils manquent sinon de prestige, au moins d’influence. Et puis, ces hommes d’action deviennent rarement de bons administrateurs. Par tempérament, ils considèrent les difficultés d’un œil moins tranquille que le parlementaire rompu à la tactique de couloirs. Le militaire enfonce les obstacles, le politicien les tourne. De plus, un député, assure-t-on, n’appartenant à aucune coterie maritime, voit les choses sous un angle plus juste. Ici, une réserve s’impose : le parlementaire n’a pas de coterie maritime, mais, ce qui est pire, il a une clientèle politique.

Depuis un demi-siècle, le ministre, malgré la gravité de son rôle, était parfois fort peu préparé à ses fonctions, quand il venait s’asseoir devant la table de Colbert. Que fallait-il pour occuper, de but en blanc, le sommet de la hiérarchie navale ? Appartenir au Parlement. Cette règle souffrait peu d’exceptions.

Le titre d’ancien rapporteur du budget de la marine ne gâtait rien, sans être indispensable. D’anciens officiers de l’armée de terre n’ont-ils pas rempli ce rôle de rapporteurs du budget de la marine où ils couraient risque de s’enlizer ? C’est que la nuance politique importait seule. La compétence technique, personne ne s’en préoccupait.

Une fois membre de la combinaison nouvelle, l’heureux élu entreprenait son initiation. Car, le plus souvent, n’ayant aperçu la grande machine maritime que de fort loin, il n’avait sur elle que des idées vagues, insuffisantes pour mener à bien la tâche qu’il acceptait. Entré au ministère avec le désir très ferme de réaliser d’utiles réformes, pouvait-il faire tout le bien rêvé par avance ? Non, certes, même en supprimant par la pensée l’inertie des bureaux. Avant de monter au Capitole, il sacrifiait au moins une fraction de son indépendance, résigné à rester le serviteur, sinon le prisonnier de son parti. Cette considération rétrécissait singulièrement son champ d’action. Comment refréner l’audace des syndicats des arsenaux ? Comment sabrer pour améliorer ? Comment poursuivre sans relâche le mieux, cet idéal si fugitif ? Cependant, le ministre entreprenait une série d’améliorations. Et quand on lui criait : « Halte-là ! » il opérait en hâte un rapiéçage insuffisant, au lieu d’une remise à neuf nécessaire.

La discussion du budget est un gué difficile à franchir, surtout quand le ministre présente un programme naval. Par