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actuelle et des obligations qu’elle impose, qu’une exhortation morale à supprimer le luxe inutile et à pratiquer l’économie. Ce sont là d’excellens conseils : pour leur donner une portée plus précise, il fallait les appuyer d’un exemple : c’est à nous que M. de Bülow l’a emprunté. Il a fait le plus grand et le plus légitime éloge de l’esprit d’économie qui, agissant sur chaque Français et sur chaque Française, fait de noire pays « le plus riche du globe. » Est-il vraiment le plus riche de tous ? On pourrait le contester, mais il est certainement celui où il y a le plus d’argent disponible, et il mérite à ce point de vue le titre de « banquier de l’univers » que M. de Bülow lui a décerné. Le chancelier de l’Empire voudrait que l’Allemagne devînt économe comme la France et que, pour cela, elle renonçât au luxe qu’elle a étalé après ses victoires, et revînt à la simplicité des anciens temps. Mais il y a des courans qu’il est difficile de remonter, et nous craignons. à parler franchement, que l’Allemagne n’ait beaucoup de peine à remonter celui qu’elle a descendu. A-t-elle, toutefois, cédé aux tentations du luxe autant que M. de Bülow le lui a reproché ? N’y a-t-il pas quelque exagération dans ces reproches ? En tout cas, ce n’est pas le luxe privé qui a si fortement endetté le trésor public, et l’accroissement des dépenses de l’Etat n’a pas de rapport nécessaire avec celui des dépenses des particuliers. M. de Bülow semblait dire à ses compatriotes : — Privez-vous, dépensez moins afin de suffire à des impôts de plus en plus lourds. — N’était-ce pas là une diversion ? On demandera sans doute pourquoi les charges publiques se sont de plus en plus aggravées depuis quelques années. Si le luxe privé avait besoin d’une excuse, ne la trouverait-il pas dans l’exemple que lui a donné l’Etat lui-même, dont les dépenses sont allées sans cesse en augmentant ? La vérité est que, lorsque l’Allemagne était composée de petits Etats, ces petits Etats se contentaient naturellement de petits budgets ; mais que, depuis qu’elle est devenue un immense Empire, ses besoins ont grandi démesurément. Elle ne se contente pas d’être la nation militaire la plus grande du continent, elle veut aussi rivaliser avec l’Angleterre sur les mers. Soit, mais cela se paie, et tout porte à croire que si l’Allemagne en éprouve aujourd’hui une surprise, elle en éprouvera beaucoup d’autres du même genre dans un avenir assez prochain.

Jamais, en effet, le vieil adage : « Si vis pacum, para bellum, si tu veux la paix, prépare la guerre, » n’a été plus en faveur qu’en ce commencement de siècle. La Chambre des lords vient d’en donner une preuve de plus. Les ministres anglais prononcent des