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Reportons-nous par la pensée sur le terrain connu des lecteurs de la Revue qui s’intéressent aux choses de l’armée, sur le terrain de Saint-Privat. Je ne puis être clair sans indiquer d’abord quelles sont les tâches qui incombent à l’artillerie dans l’attaque décisive voulue par le haut commandement et judicieusement organisée.

Après des préliminaires qui, aujourd’hui, auraient été fort longs, la bataille s’est engagée sur tout le front ; elle aurait déjà duré plusieurs jours peut-être. Le commandement de l’armée de l’Ouest prend la décision de donner l’attaque à fond sur Saint-Privat. En se plaçant sur la hauteur au nord de Sainte-Marie-aux-Chênes, le spectateur aurait devant lui le panorama suivant ; à gauche, le village de Roncourt, peu étendu, puis une longue croupe de 1 300 mètres de longueur en avant de laquelle il verrait facilement, grâce à l’absolue nudité du terrain, une longue série de tranchées occupées par l’infanterie ennemie ; plus à droite, le village de Saint-Privat dominant le glacis devenu historique, ensuite une petite crête et enfin la ferme de Jérusalem sur la grande route. Tel est l’objectif assigné à l’attaque ; plus à droite encore, une crête qui borne l’horizon et s’étend sur 1 700 mètres jusqu’à la voie ferrée. De part et d’autre, les troupes engagées sont fatiguées ; il se produit une sorte d’accalmie sur le champ de bataille ; il y a lassitude générale. Le commandement, décidé à donner l’attaque, va renforcer par tout ce qui est disponible sa ligne d’artillerie, depuis Habonville à 2 500 mètres au Sud de Sainte-Maric-aux-Chênes, jusqu’au bois d’Auboué à 1 500 mètres au Nord de cette localité. Les réserves d’infanterie sont dirigées dans une vallée au Nord-Ouest de Sainte-Marie, d’où elles partiront pour l’attaque. Les tâches suivantes s’imposent à l’artillerie :

1° Battre l’infanterie ennemie non seulement surtout le front de 2 000 mètres, objectif direct, mais aussi sur toutes les parties voisines d’où les fusils peuvent avoir action sur les troupes d’attaque ; le front à battre est donc de 2 600 mètres au moins. Il exigera 25 à 26 batteries, dites batteries d’infanterie, à raison d’une par 100 mètres environ de front à battre ;

2° Empêcher l’artillerie ennemie de reparaître non seulement sur les crêtes de Roncourt à Jérusalem, mais aussi sur celle plus au Sud, d’où les canons peuvent être dangereux pour les fantassins de l’attaque ; le développement total du front à surveiller