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avec l’Angleterre. Et l’Italie ? C’est peut-être à elle que M. de Bülow a consacré le principal passage de son discours, car l’Italie est son alliée comme l’Autriche, et ce sont deux alliées entre lesquelles il est de plus en plus difficile de maintenir une bonne entente. Il n’est pas nen plus très facile de la maintenir entre l’Autriche et la Porte. Mais M. de Bülow, qui est ami de tout le monde, ne désespère de rien, pas même de réconcilier l’Autriche avec la Porte et l’Italie avec l’Autriche. Ce sont là cependant des problèmes très ardus. Les marchandises austro-hongroises sont boycottées en Turquie, et l’Autriche-Hongrie menace de rompre les négociations avec la Porte et de rappeler son ambassadeur à Constantinople. Grave affaire, qui est cependant peu de chose à côté du conflit latent dont les explosions soudaines et violentes troublent trop souvent les relations de l’Autriche et de l’Italie. On vient d’avoir une manifestation de plus de ce phénomène intermittent.

L’article de M. René Pinon, que nous publions plus haut, nous dispense de remonter aux causes de la crise et d’en montrer les principales conséquences. M. Pinon l’a fort bien fait. Mais les incidens qui se sont produits au parlement italien appartiennent à notre chronique. On attendait avec impatience le discours où M. Tittoni exposerait et justifierait sa politique. À l’ouverture de la crise, c’est-à-dire au moment où l’Autriche a proclamé l’annexion des deux provinces turques, au milieu de l’émotion générale, qui a été particulièrement vive en Italie, M. Tittoni a prononcé un discours plein de promesses. Il y affirmait hardiment que l’Italie ne s’était pas laissé surprendre par l’événement, qu’elle avait pris ses précautions, qu’elle avait obtenu des garanties, et qu’on le verrait bientôt. Alors, on a regardé de tous ses yeux, mais on n’a rien vu du tout. Il en est résulté peu à peu, en Italie, une effervescence de l’opinion qui s’est manifestée sous des formes assurément regrettables, puisque l’ambassade d’Autriche a été menacée à Rome, et que ses consulats l’ont été dans d’autres villes : il a fallu les protéger. Mais d’autres violences ont eu lieu sans qu’on ait pu les empêcher. L’irritation n’a plus eu de bornes lorsqu’on a appris que des étudians d’origine italienne avaient été l’objet de brutalités à Vienne : il y a eu alors, dans toute la péninsule, une vraie fureur d’irrédentisme, et on a pu voir quels étaient les vrais sentimens de l’Italie pour l’Autriche. Ce n’étaient là, toutefois, que des manifestations irresponsables : le gouvernement les désapprouvait et faisait les efforts les plus sincères, les plus courageux même, pour y mettre fin. Un peu de calme est revenu en effet, et