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les crédits nécessaires. Le chef de la mission a reçu, du gouvernement, les instructions et les ressources destinées à assurer la défense et le maintien de nos droits. Il quittera la France par un prochain paquebot. »

Au lendemain de la séance du 7 juin, la presse anglaise fulmina. Lord Dufferin, alors ambassadeur d’Angleterre à Paris, accourut au quai d’Orsay. Il parla, d’abord, d’un ultimatum qu’il avait, disait-il, dans la poche de sa redingote et qu’il y garda, finalement, après s’être laissé conduire jusqu’à la sortie. Cet ultimatum, M. d’Haussez l’avait vu poindre, en 1830, à la veille de l’expédition d’Alger, et puis M. Develle, en 1893, lors des affaires du Siam… Les ultimatums, alors même qu’ils sont produits, se discutent.

Le débat engagé avec lord Dufferin prit une tournure plus conciliante. L’Angleterre ne contesta pas la thèse invoquée par le ministre français sur le respect des traités internationaux ; elle laissa le roi Léopold se dégager de l’arrangement et n’insista pas, pour sa part, sur la clause du bail avec ses conséquences[1]. Les difficultés, depuis si longtemps pendantes entre l’Etat Indépendant et la France, furent réglées par l’arrangement du 14 août 1894.

Mais, ce qui est infiniment plus important, aussitôt cet arrangement conclu, le Cabinet de Londres, entrant dans les vues du Cabinet de Paris, se prêta à une négociation d’ensemble sur les questions contestées, notamment sur la vallée du Nil jusqu’à Fachoda et au-delà. Négocier et négocier avec la France, c’était reconnaître, tout au moins, que la situation juridique de ces provinces était sujette à litige et que l’intervention de la puissance limitrophe par le bassin du Congo n’était pas de celles que l’on écarte par une fin de non recevoir.

Cependant, le gouvernement français prenait les mesures conservatoires annoncées au parlement. Le crédit de 1 800 000 fr. étant voté « pour renforcer nos postes dans le Haut-Oubanghi et les relier à la côte par des communications télégraphiques et

  1. Voir l’exposé tout platonique des argumens invoqués par le Foreign Office pour la défense de l’arrangement, dans le mémorandum adressé, le 14 août (lors de l’arrangement franco-belge), par lord Kimberley à lord Dufferin (Blue book d’octobre 1898, appendice n° 2, Le gouvernement britannique fait observer « qu’un discours au sein d’une assemblée parlementaire ne peut être considéré comme une communication diplomatique, » observation qui s’appliquerait au discours de sir Edward Grey prononcé quelque temps après.