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anglo-françaises. A Madagascar, une difficulté des plus graves était soulevée au sujet de la situation juridique qui serait attribuée à la Grande Ile, soit le protectorat, soit l’annexion. L’Angleterre s’y intéressait passionnément. Le succès remporté si promptement par les armes françaises avait surpris. Les missions et le commerce n’étaient pas sans inquiétude au sujet de leur avenir dans l’île, et l’on sait l’influence de ces deux élémens sur le gouvernement et sur l’opinion de l’autre côté de la Manche.

Au même moment, les résultats obtenus par les nombreuses explorations françaises opérant en Afrique et rattachant les lignes de leurs itinéraires en un réseau qui couvrait d’immenses territoires, alarmaient les cercles compétens. On n’était pas habitué, de la part de la France, à des efforts si coordonnés et si efficaces. Un événement soudain polarisa ces inquiétudes et ces humeurs.

L’Italie, par l’extension de sa colonie de l’Erythrée sur la Mer-Rouge, s’était heurtée à la puissance militaire de Ménélik. Après la défaite d’Adoua, elle avait renoncé aux projets trop vastes conçus par M. Crispi ; elle se préparait à ramener son occupation à la région côtière. Dans la période d’expansion, Kassala avait été occupée. L’évacuation éventuelle de Kassala découvrait la vallée du Nil à l’Est et pouvait donner aux Mahdistes accès vers la mer. Ces préoccupations, si graves pour la sécurité de l’occupation britannique en Egypte, coïncidaient avec les efforts de la France dans le Haut-Oubanghi. Et, en même temps, l’Angleterre voyait ses difficultés grandir du côté du Transvaal. Les relations avec les Républiques de l’Afrique méridionale se compliquaient. Le raid Jameson avait étonné et fâcheusement impressionné l’opinion européenne. L’échec de Krügersdorf avait provoqué le fameux télégramme de l’empereur Guillaume au président Krüger, télégramme nullement spontané et improvisé, comme on l’a dit, mais mûrement délibéré. A la suite de ce télégramme, des ouvertures, on s’en souvient, avaient été faites à la France.

À cette heure décisive, la sagesse avisée de lord Salisbury hésita entre les diverses voies à suivre. Il en revint, tout d’abord, à l’idée d’une entente amiable avec la France sur les questions africaines et, notamment, sur la question du Nil. L’Angleterre ne pouvait se tirer d’embarras qu’en sériant les questions et séparant ses adversaires : ou s’accommoder avec la