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chose de plus précis et de plus ferme, opposer le fait au fait. On demanda à la Russie notre alliée, et à la Turquie, puissance souveraine, d’agir en commun ; en outre, des pourparlers furent engagés avec Ménélik. L’intervention concertée devait avoir pour théâtre la Mer-Rouge.

Et c’est précisément alors que l’on résolut d’engager, sur le continent noir lui-même, une politique d’action résolument opposée aux projets de l’Angleterre. On prétendait arriver, avant elle, sur les lieux, et en forces. Ainsi, la mission Marchand fut décidée comme une des parties du plan général combiné, après qu’on eut repoussé une offre d’entente au sujet de la marche sur Dongola. Donc, tout se tient.

Il y eut, là, une heure véritablement critique. Mais, bientôt, « la gravité de la situation, » pour reprendre les termes de la note du 17 mars, commença à apparaître. Il y eut un mouvement d’inquiétude qui fut ressenti même au quai d’Orsay. Ne s’était-on pas laissé entraîner ? Allait-on à une rupture avec l’Angleterre ?… Un débat parlementaire s’ouvrit, à la Chambre des députés, puis au Sénat. Au Sénat, une question de M. Bardoux fut transformée en interpellation et, quoique le Cabinet Bourgeois eût obtenu, la veille, une forte majorité à la Chambre, il crut devoir se retirer.

A l’heure où il prenait cette décision, la situation était la suivante entre la France et l’Angleterre : procès intenté à la Caisse de la Dette, déclarations formelles à la presse et au public sur « le règlement européen » de la question d’Egypte, difficulté grave au sujet de Madagascar où l’annexion avait été substituée au protectorat, entente spéciale avec la Turquie, avec la Russie, éventuellement avec l’Abyssinie, mission Marchand sur le Nil, chargée de prévenir l’occupation anglaise et de se rendre à Fachoda.

Comment rentrer dans les voies de la conciliation, sans compromettre la dignité et les intérêts du pays ?


Le Cabinet Bourgeois fut remplacé par le Cabinet Méline, le 29 avril 1896.

On a attribué, au ministre des Affaires étrangères de ce Cabinet, une politique systématique, un parti pris de se rapprocher, en Europe, des combinaisons hostiles à l’Angleterre : c’est radicalement faux.