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n’existe pas, » avait déjà dit M. Cotelle. L’enquête a démontré qu’il avait raison.

Il en est de même de la légende des couvens. C’est une croyance non moins répandue que les couvens, travaillant à bas prix et acceptant des commandes sans les discuter, font baisser le prix de la main-d’œuvre et contribuent ainsi indirectement à la misère des ouvrières de l’aiguille. On peut dire des couvens ce qu’on peut dire des entrepreneuses. Il a pu arriver, parfois, que des couvens, ayant charge d’âmes, ou plutôt de bouches à nourrir, ont, sous le coup de quelque nécessité pressante, accepté des commandes au rabais. Le fait a pu se produire en particulier dans ces derniers temps. Une des ouvrières enquêtées racontait ainsi avec indignation qu’elle avait refusé du travail qui lui était offert par une maison religieuse parce que les prix étaient dérisoires. Mais elle convenait qu’autrefois les prix payés par cette maison étaient meilleurs et qu’elle n’offrait des prix aussi bas que depuis la fermeture d’un pensionnat dont les bénéfices lui permettaient d’offrir des salaires plus élevés.

Ce qui est intéressant à consulter sur les prix auxquels travaillent les couvens, ce ne sont pas les ouvrières, qui en réalité n’en savent rien, et parlent par ouï-dire ; ce sont les fabricans qui leur donnent du travail. Ce sont aussi les entrepreneuses qui se trouvent en concurrence avec eux. Or que disent Les fabricans ? L’un d’eux affirme bien que les prix de la main-d’œuvre sont en hausse, et que, depuis trois ans, ils ont augmenté dans certaines régions de 25 pour 100 par suite de la disparition des couvens, mais cette assertion générale et sans preuve est contredite par l’ensemble des témoignages de l’enquête, qui signalent au contraire une tendance à la baisse des salaires. Par contre, voici ce que dit un autre fabricant : « Ce qui a fait le succès des couvens, c’est que le travail y est très régulier et très soigné, parce que ce sont toujours les mêmes mains, mais c’est plus cher qu’ailleurs. » « Certains couvens, dit un autre, demandent aussi cher que les entrepreneuses. » « Les couvens, dit encore un troisième, font du travail plus fin et plus cher, mais ils assurent une grande régularité de livraison. On est certain du travail livré et la vérification est inutile. »

Que vont dire maintenant les entrepreneuses ? On peut les en croire, car les couvens, pour elles, c’est la concurrence. « Les couvens travaillent au prix des ateliers de la région, » dit l’une.