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pour se conformer à cette grande loi sociale et qui n’en peuvent mais si elles se trouvent solitaires dans la vie. On se rappelle que veuves et célibataires entrent pour moitié dans le nombre des ouvrières sur lesquelles a porté l’enquête de l’Office du travail, et cette proportion généralisée paraît exacte. Toute institution, toute œuvre qui améliore la condition des ouvrières isolées profite donc pro parte qua aux lingères, et on nous pardonnera de répéter ce que nous avons écrit souvent, ici même ou ailleurs, à propos des maisons de famille, des hôtels meublés pour dames seules, des restaurans d’ouvrières et des fourneaux populaires. Nous savons très bien avec quel mépris parlent de ces modestes institutions les réformateurs superbes qui sont persuadés qu’à coups de lois et de règlemens on transforme les sociétés et qu’on abolit la souffrance. Assurément ils n’ont pas tort de dire que, dans une ville comme Paris, ces institutions ne peuvent venir en aide qu’à une minorité, à quelques centaines d’ouvrières quand il s’agit des maisons de famille, à quelques milliers quand il s’agit des restaurans d’ouvrières. Mais c’est déjà quelque chose d’avoir soustrait quelques centaines de jeunes filles aux tristesses d’un logis solitaire et malsain et quelques milliers aux privations d’une nourriture insuffisante. Ce n’est point un résultat qui soit si fort à dédaigner que d’avoir allégé, pour un certain nombre de créatures humaines, le poids de leurs souffrances, et, nous en demandons pardon à nos réformateurs, mais, dans cet ordre d’idées, les modestes créateurs de ces œuvres ont peut-être fait jusqu’à présent plus qu’eux. Rien ne défend d’ailleurs d’espérer que ces œuvres, qui sont de création récente, ne se développent encore et n’augmentent le nombre de leurs protégées.

Dans un ordre d’idées tout différent faut-il chercher un remède dans cette campagne contre le bon marché dans laquelle se sont enrôlés certains publicistes de haute valeur, entre autres M. Gide, professeur d’économie sociale à l’Ecole de Droit, mais qui est menée surtout par la Ligue sociale d’acheteurs. Nous ne voudrions rien dire qui contristât les adhérens à cette ligue, dont nous nous honorons de faire partie, et en particulier ses deux fondateurs, M. Jean Brunhes et son admirable compagne, qui mettent au service de cette ligue un zèle d’apôtre. Mais je crains que la Ligue sociale d’acheteurs ne fasse ici fausse route. Elle a cent fois raison lorsqu’elle entreprend l’éducation de la clientèle,