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ruines et son cadre de verdure. Quand on regarde vers l’Est et le Sud, par delà la Nidd, l’horizon est barré le jour par des nuages de fumée, le soir par des lignes de flammes.

C’est là, derrière ce rideau, tour à tour opaque et lumineux, que se trouve Pudsey, la rivale d’Huddersfield, la cité de la laine. Le candidat radical, tout fier des réformes ouvrières réalisées ou projetées par le Cabinet Asquith, avait le droit de compter sur la gratitude des travailleurs manuels. Comment pouvait-il prévoir que la désertion de 1 291 voix, recueillies par un concurrent socialiste, l’adhésion de 1 903 nouveaux électeurs à la cause conservatrice, donneraient au candidat unioniste une avance de 113 bulletins, alors qu’en 1906 la majorité libérale avait été de 3500 votes, et, depuis 1885, depuis la création de la circonscription, n’avait jamais été inférieure à 470 ?

A Pudsey comme à Chelmsford, dans la cité industrielle du Yorkshire comme dans la bourgade rurale d’Essex, l’œuvre législative, réalisée en trois ans par le Parlement radical, n’a point exercé sur la vie quotidienne des ouvriers et des journaliers, des employés et des boutiquiers, une action assez profonde pour déterminer un élan de reconnaissance et annihiler les tentatives de surenchères.

Il y a plus. Non seulement les lois votées ne paraissent point avoir eu d’action profonde sur le corps électoral, mais deux réformes projetées ont certainement aliéné un nombre important de suffrages. Elles ont été dictées au parti libéral par ses convictions puritaines. Le radicalisme anglais a un caractère nettement religieux. Son histoire, dès les temps lointains de la Commonwealth, est inséparablement liée à celle des églises protestantes. Il a servi, avec une égale ardeur, les intérêts économiques et le christianisme laïque des classes moyennes. Les grandes victoires du libéralisme ont toujours coïncidé avec un réveil de l’esprit puritain. Les campagnes de 1832 pour l’affranchissement politique et de 1846 pour le libre-échange, la lutte de Gladstone, en 1878, contre Disraeli et celle de sir Henry Campbell Bannerman, en 1905, contre M. Balfour, ont revêtu, dans les manifestations de la foule et dans les discours des chefs, l’allure religieuse d’une croisade puritaine. Le Parlement, élu en 1906, au milieu des émotions provoquées par le revival