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sécurité de la frontière par la création de marchés qui mettront les populations algériennes et marocaines en rapports plus fréquens les unes avec les autres et les habitueront à faire ensemble des affaires à leur mutuel profit. Il ne saurait y avoir entre elles de lien plus solide, car c’est le lion des intérêts : plus on le fortifiera, mieux cela vaudra. Mais pour que le lien se forme, il faut organiser une police mixte qui garantisse la sécurité des marchés, surtout au début, car c’est au début, grâce à l’ignorance, aux préjugés, aux passions des tribus-auxquelles nous avons affaire, que des désordres sont à redouter. L’œuvre doit réussir ; les premières applications qui en ont été faites ont été marquées par des succès, et il y a tout lieu d’espérer qu’il continuera d’en être ainsi, pourvu qu’elle soit poursuivie dans le même esprit. A cet égard, le général Lyautey donne toutes les garanties désirables ; il a fait ses preuves. Où sont donc les inconvéniens dont nous avons parlé plus haut ? Ils sont, ils pourraient être dans les intentions que nous avons eues autrefois de donner notre collaboration aux autorités marocaines, non seulement pour l’organisation de marchés et d’une police mixtes, mais encore pour des opérations militaires dont le but était d’assurer au Sultan la pleine soumission des tribus de la frontière. Ces tribus se considèrent le plus souvent comme indépendantes ; elles ne reconnaissent l’autorité du Sultan que lorsqu’elle s’exerce par la force. Cette force, le Sultan ne l’ayant pas toujours, nous devions la lui apporter au risque de nous créer des difficultés et de susciter contre nous des hostilités qui nous maintiendraient continuellement sur le qui-vive. Une pareille politique, qui aurait été décevante en tout temps, le serait aujourd’hui plus encore qu’autrefois. Autrefois, en effet, elle se rattachait à une politique plus générale qui s’est manifestée par la mission de M. Saint-René Taillandier à Fez ; nous voulions alors faire cause commune avec le Sultan, réformer avec lui son Empire, et, sans aller jusqu’au protectorat, nous associer quelque peu à lui dans l’exercice de sa souveraineté. Mais les temps sont changés et les programmes ont dû se faire plus modestes. Nous nous sommes d’ailleurs aperçus qu’à aider le Sultan de trop près, et d’une manière trop apparente, nous nous exposions à le compromettre. C’est à lui de remplir sa tâche : la nôtre s’exerce dans un champ plus limité. À ce point de vue, le terme de « collaboration, » que M. le ministre des Affaires étrangères a employé et qui se retrouve dans l’ordre du jour voté par la Chambre, a besoin d’être expliqué. Nous ne devons rien faire sur la frontière qu’en collaboration avec les autorités marocaines, mais cette collaboration doit se restreindre à l’établissement