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à parler, ou plutôt à crier, à hurler au point que l’Europe en a été assourdie. Parmi ces voix, les plus intéressantes sont celles de la Serbie et du Monténégro, de la Serbie surtout parce que l’initiative prise par l’Autriche semble bien la condamner à perdre pour jamais l’espérance où se complaisait son patriotisme. Le Monténégro, lui, est sur la mer ; il y est dans des conditions étroites et gênées, mais il y est, et il peut respirer par là. Au contraire, le mot d’encerclement, dont on a fait un si grand usage depuis quelque temps, s’applique avec une exactitude cruelle à la Serbie, et, lorsque ce malheureux pays dit qu’il étouffe, il ne dit que la vérité.

Mais quelle satisfaction lui accorder ? L’Autriche, qui seule pourrait lui en donner une, s’y prêtera d’autant moins que la prise de possession des deux provinces semble bien avoir été de sa part une protestation en action contre les bruits de dislocation prochaine que lançaient contre elle des prophètes de malheur. Nous n’avons jamais cru, on le sait, que l’Autriche fût menacée d’un péril pareil ; ce péril n’a existé que dans des imaginations de nouvellistes ; toutefois on comprend que l’Autriche en ait été irritée et agacée, et qu’elle ait voulu montrer qu’elle était plus disposée à prendre encore quelque chose qu’à rendre quoi que ce soit. Par malheur, en le faisant, elle a soulevé un orage qui n’est pas près de se calmer, et tous ceux qui nourrissaient la pensée secrète de s’enrichir bientôt d’une de ses dépouilles, voyant qu’elle leur échapperait sans doute, ont tendu avidement la main pour s’en emparer. Les Serbes et les Monténégrins comptaient bien qu’un jour l’Herzégovine et la Bosnie se détacheraient de l’Autriche comme un fruit mûr tombe de l’arbre lorsqu’on le secoue : si cela était arrivé, ils se seraient furieusement disputé les deux provinces, tandis qu’ils sont aujourd’hui d’accord pour revendiquer ensemble leur autonomie. Mais ce n’est pas seulement du côté de l’Est que l’Autriche cause des déceptions douloureuses : toute l’Italie est, en ce moment, une fois de plus en insurrection contre elle. Pourquoi ? Parce qu’elle a décidé qu’au lieu de créer une Université italienne à Trieste ou à Trente, c’est-à-dire dans des villes où il y a beaucoup d’Italiens, elle la créerait à Vienne où il n’y en a pas. Aussitôt les esprits ont pris feu en Italie et l’indignation contre l’Autriche n’y a plus eu de bornes. On se rappelle les belles promesses de M. Tittoni : elles avaient déjà été suivies de quelques déceptions, mais la dernière de ces déconvenues dépasse la mesure ! On accuse M. Tittoni de s’être laissé jouer, duper, berner. Soit, cela le regarde ; mais l’Italie, dit-on, ne peut supporter plus longtemps qu’on se moque